Cette année les résultats du vote du Ballon d'or sont sans ambiguïté en raison de la différence assez nette entre les votes reçus par les trois finalistes à savoir Lionel Messi : 41,33 %, Cristiano Ronaldo : 27,76 % et Neymar : 7,86 %. Il serait en revanche intéressant que la FIFA engage une réflexion en amont des futures éditions du Ballon d'or afin d’éviter toute ambiguïté en cas de résultat plus serré à l’avenir ; à l’instar de celui de l’an dernier pour les places d’honneur entre Messi (15,76 %) et Neuer (15,72 %).
Une telle réflexion avait été menée par Renato Flores (Fondation Getulio Vargas, Rio de Janeiro), Victor Ginsburgh (Université Libre de Bruxelles) et Jan van Ours (Tilburg University) qui avaient dans deux articles publiés en 1996 et 2003 analysé les déterminants du succès au Concours Reine Elisabeth de piano. Ils ont montré que l’ordre dans lequel les douze finalistes étaient classés était en partie expliqué par l’ordre de passage durant les six soirées où ils se présentaient. Ce qui implique que le succès est en partie aléatoire, mais que les premiers classés font néanmoins de meilleures carrières que les autres. Les règles du concours ont été modifiées par la suite et à l’heure actuelle six finalistes seulement sont classés de 1 à 6. Les six derniers ne sont pas classés, mais sont néanmoins nommés parmi les finalistes.
Proximité entre votants et joueurs
Notre équipe, vient de réaliser une étude démontrant que les votes pour l’élection du Ballon d'or peuvent être biaisés selon différents degrés de proximités entre les votants et les 23 joueurs pré‐sélectionnés.
Comme nous l’avons expliqué dans l’article du quotidien L’Équipe paru avant le vote de cette année, notre objectif était de mesurer le poids de critères non liés à la performance sportive du joueur et de vérifier que le vote FIFA Ballon d'or était juste et exempt de biais.
Associé à la FIFA depuis 2010, le Ballon d'or créé par France Football est depuis cette date décerné par les capitaines des équipes nationales, les sélectionneurs et des journalistes qui affectent respectivement 5, 3 et 1 points à leurs trois joueurs préférés.
Tous les votes étant rendus publics, nous avons analysé les CV des 23 candidats et des votants sur six critères : pays représenté, nationalité, continent d’origine, compétitions disputées, position sur le terrain et âge. Tous les scrutins depuis 2010 (cinq), soit 2 470 votes ont ainsi été examinés (820 votes de capitaines, 822 de sélectionneurs et 828 de journalistes).
Pour chacun des « liens » identifiés entre votants et candidats (par exemple, même nationalité ou même équipe nationale), nous avons comparé les votes réels à ce qu’ils auraient été si les votants s’étaient exprimés de façon aléatoire.
Il apparaît que certains des « liens » entre votants et candidats expliquent bien des votes. Les électeurs sont ainsi quatre fois plus enclins à voter pour des joueurs représentant leur sélection ou leur club (x3.79 en moyenne pour les deux critères) et trois fois plus susceptibles de voter pour un candidat de la même nationalité (x3.23).
Ce résultat n’est pas si surprenant. L’an dernier, le sélectionneur du Portugal, la sélection de Cristiano Ronaldo, n’a pas placé Lionel Messi parmi ses trois choix. Celui de l’Argentine a voté pour trois Argentins et le sélectionneur allemand a choisi trois joueurs de son pays… Les chercheurs notent également que les votants sont moins enclins à voter pour les candidats qui jouent au même poste qu’eux ou pour les candidats qui sont plus âgés qu’eux. Être originaire du même continent ou jouer la même compétition nationale ne semble pas en revanche affecter le vote.
L’impact sur le vote final reste limité
Pour autant, si effectivement les électeurs favorisent en tendance les joueurs de leur sélection ou de leur club, et, à un degré (à peine) moindre, les joueurs partageant la même nationalité qu’eux, et même si la proportion d’électeurs « partiaux » est importante, l’impact sur le décompte final est relativement faible puisque tous les candidats en auront plus ou moins le même nombre.
Cela est vrai que ce soit pour le critère de la sélection – chaque pays est représenté par trois votants, tous les candidats ont donc au maximum trois votants « liés » (deux seulement si le sélectionneur est étranger) –, ou pour la nationalité – entre le moins « lié » des candidats sur ce critère de la nationalité (1 lien avec les votants) et le plus « lié » (12), il n’y aurait, au final, qu’une seule voix de retard pour le moins lié.
La conclusion de notre étude est donc que le vote pour le Ballon d'or est en effet biaisé mais demeure juste… sauf dans le cas où le scrutin est serré. C’était le cas l’an dernier (Ballon d'or 2014) : Cristiano Ronaldo l’avait largement emporté avec 37,66 % des votes, devant Messi (15,76 %) et Neuer (15,72 %). Pour corriger ce biais, nous recommandons aux organisateurs de s’inspirer du concours de l’Eurovision où un pays ne peut pas voter pour le chanteur le représentant.