Cet article a été co-écrit avec Armando Corsi, Professeur en Wine Business à l’Université d’Adelaïde
Une nouvelle étude menée auprès de consommateurs français et américains révèle que les personnes narcissiques boivent plus de vin que les non-narcissiques, car ils associent la boisson à un plus grand prestige social.
L’étude suggère également que cette perception conduit les narcissiques à boire du vin même lorsqu’ils ne sont pas particulièrement amateurs du breuvage.
David Jaud et Renaud Lunardo analysent dans le cadre des recherches pour la Chaire dédiée à la consommation responsable, les résultats de l’étude et identifient les liens entre image de soi et consommation de vin.
Boire du vin est bon pour l’image
Des précédentes recherches ont déjà montré que l’on a tendance à associer le vin à la richesse, au prestige et au raffinement. En tant qu’objet de « consommation ostentatoire », le vin permet d’afficher son statut, mais aussi ses aptitudes en société. Certaines recherches ont même révélé que consommer du vin nous rend plus séduisants.
Ce sont précisément ces qualités que les narcissiques aiment à montrer : richesse, pouvoir et attractivité. Du narcissique spirituel au narcissique latent, en passant par le narcissique sain, tous partagent un même point commun, « la conviction d’être spécial et plus important que les autres », comme l’expliquent les chercheurs. Au point qu’apprendre à coexister pacifiquement avec une personne narcissique est aujourd’hui quasiment devenu un sport national.
Faire le lien entre vin et narcissisme
Les résultats mentionnés ci-dessus ont incité une équipe de chercheurs en France et en Australie à examiner si ces qualités pouvaient également pousser les narcissiques à consommer plus de vin que les non-narcissiques.
Pour vérifier leur hypothèse, ils ont mené deux études dans deux pays pour lesquels la culture du vin est différente, la France et les États-Unis. En France, la consommation de vin par habitant est environ trois fois plus élevée qu’aux États-Unis, tandis qu’elle reste en hausse depuis des décennies outre Atlantique, que l’on parle du simple vin de supermarché ou d’un Chardonnay de la Napa Valley.
La première étude concernait 654 adultes français (56 % d’hommes et 44 % de femmes, aux parcours éducatifs et professionnels très variés). Les participants ont répondu à des questions portant sur leur profil démographique et leurs habitudes de consommation de vin rouge, blanc et rosé.
Ils ont également dû évaluer leur degré de narcissisme sur une échelle à quatre niveaux, par exemple en se positionnant sur certaines affirmations, telles que « J’ai tendance à attendre des faveurs spéciales des autres », ou « J’ai tendance à rechercher le prestige ou la reconnaissance sociale ».
Le narcissique, jamais sans son vin
Les chercheurs ont constaté une corrélation positive significative entre le narcissisme et la consommation de vin. Parmi l’échantillon, les consommateurs de vin narcissiques buvaient cette boisson plus fréquemment et étaient plus susceptibles d’en associer la consommation à une forme d’attractivité sociale. Ils étaient également plus susceptibles de se considérer comme des experts en vin. En outre, ils étaient plus souvent de sexe masculin, plus instruits et plus riches.
Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que plus les gens sont narcissiques, plus ils perçoivent le vin comme un moyen d’améliorer leur image, ce qui les amène à en consommer des quantités plus importantes.
Consommateur, oui, mais pas forcément amateur
La deuxième étude s’est déroulée aux États-Unis, avec un second objet à vérifier : découvrir si les narcissiques boivent plus de vin même lorsqu’ils n’apprécient pas particulièrement cette boisson, uniquement pour les avantages qu’ils en retirent en termes de statut social ?
L’échantillon américain comprenait 192 participants, 55 % de femmes et 45 % d’hommes. Les sujets ont répondu à une série de questions similaires à celles de la première étude.
Les chercheurs ont obtenu des résultats semblables, confortant leur hypothèse selon laquelle les narcissiques consomment des quantités plus importantes de vin en raison de l’attrait social qu’ils associent à cette consommation. La seconde étude a également révélé que les narcissiques consomment davantage de vin, même s’ils ne l’associent pas à une notion de plaisir.
En conclusion, les personnes très narcissiques consomment de plus grandes quantités de vin pour satisfaire leur besoin de briller en société.
Narcissisme et abus d’alcool : une analogie étonnamment pertinente qui peut avoir des répercussions négatives
Ces résultats seront sans doute utiles aux publicitaires. Cibler spécifiquement les personnes narcissiques, en tant que consommateurs plus susceptibles de consommer du vin, pourrait en effet s’avérer une stratégie gagnante. Mais ils appellent également à la prudence, car la manœuvre s’accompagnerait de potentielles restrictions encore plus strictes sur les publicités pour l’alcool.
Par ailleurs, le narcissisme et la surconsommation d’alcool ont plus en commun que ce que l’on pourrait croire à première vue. Les auteurs font ainsi référence à des recherches antérieures, qui suggèrent de « considérer le narcissisme comme une addiction », une dépendance à l’estime et à l’admiration. Ces besoins addictifs finissent par « dominer les autres motivations et restreindre les comportements rationnels ».
Ainsi, les personnes narcissiques, dans leur recherche du prestige social, sont susceptibles de manquer de maîtrise de soi et « perdre le contrôle lorsqu’ils boivent du vin », s’ils considèrent ce dernier comme un outil qui les aidera à améliorer leur image en société.