Humour et relations d’affaires font-ils bon ménage ?

Management

publication du 18/12/2023

Cet article a été co-écrit par Camille Saintives, Associate Professor – Researcher in Marketing, INSEEC Grande École

Les vertus de l’humour ne sont plus à prouver : nombreux sont les travaux en sociologie reconnaissant l’influence positive de l’humour dans les relations sociales de la vie quotidienne. Car l’humour est bien plus que l’usage d’une simple plaisanterie, c’est également un véritable levier permettant de créer un environnement agréable, stimulant et cohésif. Les chercheurs en marketing ont commencé, il y a plus de 40 ans, à examiner les effets de l’humour, principalement dans le domaine publicitaire.

Cependant, l’humour est resté sous-estimé dans son impact en tant qu’outil de management et de gestion en entreprise, notamment dans les relations d’affaires. Les connaissances sur les mécanismes qui pourraient indiquer si et pourquoi les vendeurs pourraient bénéficier de l’usage de l’humour restent limitées. Quel type d’humour peut-il se révéler utile ou au contraire néfaste à une relation d’affaires et à quel moment ?

Constructif ou offensant ?

Selon une étude réalisée en France par LinkedIn et publiée en mai 2022, 78 % des professionnels sondés affirment que l’humour est « l’émotion la plus sous-estimée et la moins valorisée au travail ». Ce constat est étonnant puisque les travaux académiques, d’une manière générale, mettent en avant un effet positif de l’humour dans la vie professionnelle.

Désamorcer les conflits, créer un environnement stimulant, adoucir les relations interpersonnelles, renforcer la cohésion d’équipe, développer des rapports de groupe basés sur la solidarité, réduire l’anxiété et l’hostilité… l’humour peut jouer un rôle décisif dans bon nombre de situations. L’humour se révèle également être une technique de communication utilisée dans les relations d’affaires par les vendeurs en vue d’augmenter leur pouvoir de persuasion lors de leurs échanges avec les acheteurs.

Au-delà des généralités, l’humour peut néanmoins revêtir différents styles, parfois constructif, parfois offensant. L’utilisation de plaisanteries, de mots d’esprit ou de jeux de mots permet l’apaisement de tensions ou l’amélioration et le renforcement de relations avec autrui. À l’inverse, on retrouve le sarcasme, l’autodénigrement, l’humour sexiste ou raciste, formes d’humour agressives et qui s’exercent principalement au détriment d’autrui.

Certains travaux mettent pourtant en avant, de façon surprenante, les conséquences positives de ces traits que l’on peut penser moralement condamnables. L’humour offensant peut par exemple permettre à certains vendeurs de démontrer leur pouvoir et leur position dans une négociation. Les acheteurs peuvent finir par être attirés par des vendeurs qui prouvent ainsi leur statut.

L’humour constructif aussi peut être une épée à double tranchant : alors que près de 7 répondants à notre questionnaire sur 10 estiment que faire des plaisanteries permet de détendre l’atmosphère au travail, ils sont à l’inverse un quart à considérer qu’il s’agit d’un manque de professionnalisme.

À utiliser avec précaution !

Pour les professionnels ayant recours à l’humour, il convient non seulement de s’interroger sur le style d’humour à employer mais également sur le caractère opportun ou non de l’humour selon le contexte. Les relations d’affaires comprennent plusieurs phases relationnelles, la recherche en a identifié quatre : l’exploration, le renforcement, la maturité et le déclin. L’utilisation de l’humour pourrait s’avérer plus ou moins appropriée selon le moment.

Deux études, que nous avons menées respectivement auprès de 122 et 190 acheteurs de secteurs variés (services, industrie, finance, tourisme, luxe, santé ou encore sport), mettent en avant l’importance du canal confiance. C’est au travers de celui-ci que l’humour apporte un effet positif sur la performance commerciale du vendeur. L’humour, quand il est constructif, augmente la confiance des acheteurs envers les vendeurs et favorise ainsi le passage en caisse.

Cet effet n’est cependant pas observé lors de la phase d’exploration, c’est-à-dire au début de la relation acheteur-vendeur. Durant cette phase, acheteurs et vendeurs se jaugent. L’humour a, à ce moment, plutôt tendance à ne pas inspirer confiance et à diminuer la performance du vendeur. Autrement dit, l’usage de l’humour par les vendeurs, même s’il est de type constructif, ne doit donc se faire qu’une fois que la relation entre les deux parties est déjà établie.

L’humour offensant n’a, quant à lui, de ce que l’on observe, d’effet que négatif et ce quelle que soit la phase au cours de laquelle il est employé. Une autre étude auprès de 175 acheteurs en B to B a permis de montrer que l’humour agressif pèse sur les relations interpersonnelles parce qu’il amène l’acheteur à considérer le vendeur comme manipulateur, voire machiavélique. Cela augmente la volonté des acheteurs de se tourner vers d’autres vendeurs.

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