Le problème a commencé à se poser dès la crise financière mondiale de 2008 et sans doute bien avant. Au cours de la dernière décennie, environ 70% des pertes opérationnelles des banques ont été dues à des comportements délictueux de la part de collaborateurs.
On y trouve pêle-mêle le trading non autorisé dans les salles de marchés, l’évasion fiscale, la violation d’embargo, les ententes illicites entre banques pour manipuler les marchés, la vente abusive de produits financiers risqués à des clients non informés, etc.
L’univers opaque du risque de conduite, appelé aussi risque de comportements frauduleux, est analysé par Frantz Maurer dans l’ouvrage, FINANCIAL RISK MANAGEMENT, From Metrics to Human Conduct, sorti ce 25 janvier2024 aux éditions Wiley Finance Series. En voici quelques éléments d’éclairage.
Publié aux éditions Wiley Finance Série
L’émergence du risque de conduite
Non contents de se traduire par des amendes records à payer par les banques concernées, les comportements frauduleux affaiblissent la confiance des clients dans le secteur bancaire. Ils contribuent également à provoquer de l’instabilité systémique dans le monde de la finance.
La gestion des risques purement financiers générés par la fluctuation des marchés financiers ainsi que la réglementation bancaire pour tenter de les maîtriser ont beaucoup progressé depuis la crise de 2008. Des indicateurs de risque, tels que la célébrissime Value-at-Risk (VaR), son cousin germain, l’Expected Shortfall (ES), ou les contributions en risque sont désormais largement utilisés dans les institutions financières sous la pression des évolutions successives de la réglementation bancaire.
Il faut cependant se rendre à l’évidence. Ce qui était encore vrai au sortir de la crise de 2008 ne l’est plus aujourd’hui. Il n’est plus possible de cantonner la gestion des risques en milieu bancaire à des modèles mathématiques. Pour une raison simple : ils sont inefficaces face à l’émergence du risque de conduite. « Il faut donc revoir notre copie et proposer de nouvelles approches permettant d’identifier les signaux d’alerte de comportements délictueux » indique Frantz Maurer.
Les outils de mesure restent incontournables
Il ne faut pas pour autant perdre de vue les étapes essentielles. Pour espérer gérer efficacement le risque financier, il faut d’abord pouvoir le mesurer, le quantifier. En effet, le risque en finance se comprend généralement comme le risque de réaliser une perte financière. C’est là que des modèles de mesure éprouvés, tels que les outils de mesure « Value at Risk » (la VaR), l’Expected Shortfall (l’ES) ou les contributions en risque sont encore et toujours utiles.
Ils permettent en effet d’estimer une perte potentiellement réalisable sur un horizon de temps, par exemple les prochaines 24 heures, et pour un niveau de confiance donné, par exemple 99%. Toute la difficulté de la gestion des risques se trouve dans le 1%, là où se trouvent les pertes les plus importantes et donc les plus dangereuses pour la survie de la banque.
Nul doute que l’attirail technique au service de la mesure du risque financier reste utile. Encore faut-il en connaitre les limites pour l’utiliser à bon escient, sans jamais oublier que les indicateurs qu’il propose ne fournissent que des estimations du risque et rien de plus. En clair, ils ne délivrent pas une vérité absolue parce qu’ils en sont incapables, mais permettent néanmoins de prendre des décisions mieux informées.
Il n’est donc pas question de renoncer à l’appareillage méthodologique existant. « L’idée est plutôt de les faire cohabiter avec une nouvelle approche centrée sur le risque de conduite au sein de la stratégie globale de gestion des risques de la banque » explique l’auteur.
Comment actionner la gestion du risque de conduite ?
Résolument orienté sur les aspects pratiques, l’ambition de l’ouvrage « Financial risk management : From Metrics to Human Conduct », est de fournir au lecteur une boite à outils immédiatement opérationnelle en situation réelle d’analyse de risque à des fins de prise de décision.
En premier lieu, ce livre s’ouvre sur une navigation balisée dans le dédale de la réglementation bancaire, de son origine à très récemment, étape incontournable pour qui veut comprendre les enjeux de la gestion du risque de demain.
Une fois ce premier jalon validé, les principaux outils actuels de la gestion du risque financier dans le secteur bancaire sont étudiés. Cette seconde partie n’est pas un catalogue exhaustif de tout ce qui est disponible dans le domaine. Elle s’attache au contraire à répondre à la question suivante, que pourrait légitiment se poser le lecteur non spécialiste : qu’ai-je vraiment besoin de connaître pour démarrer en mode sans échec sur ce thème que je ne connais pas ?
Dans ce but, chacun de ces outils est illustré par des applications numériques selon une méthode « pas à pas », afin que le lecteur, qu’il soit étudiant dans un master finance, dans un MBA, professionnel du risque ou non, puisse les reproduire sans difficulté à partir de ses propres données.
Enfin, dans une troisième partie, l’auteur développe deux outils originaux de gestion du risque de conduite dans les banques, mais également transférables dans les entreprises non financières sans grande difficulté.
Le premier propose de calculer un score de risque de conduite sur une échelle de 1.0 à 4.0, ces deux bornes définissant respectivement un comportement responsable/inacceptable, associé à un risque faible/sévère de comportements délictueux. Ce score se calcule en trois temps successifs :
- Identifier des marqueurs de risque de conduite
- Evaluer la dangerosité de chaque marqueur de risque s’il devait se produire
- Scorer la performance de la banque sous l’angle du risque de conduite
Le second, s’il relève d’une logique similaire, diffère néanmoins dans son approche. Il s’agit d’un indice borné entre 0 et 100, structuré selon trois comportements génériques attendus de la part d’une institution financière ou d’un preneur de risque naturel comme un trader : intégrité, transparence, et jugement. Pour chacun sont identifiés des comportements délictueux ou inacceptables, mais aussi des comportements souhaitables et attendus de la part de la banque et son staff.
« Par exemple, en matière d’intégrité, dissimuler des résultats et des positions prises sur les marchés est à l’évidence un comportement inacceptable, qui peut déboucher sur des pertes records et des amendes astronomiques » ajoute Frantz Maurer.
Ces deux familles de comportements antinomiques, ceux qu’il faudrait absolument éviter et ceux qu’il faudrait au contraire stimuler, définissent autant de marqueurs négatifs/positifs du risque de conduite.
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Le département Comptabilité, finance, économie