Après l’envolée du fitness dans les années 1970 – on se rappelle par exemple des célèbres workouts de l’actrice Jane Fonda, nous avons maintenant affaire au second boom de l’industrie de la forme et de la santé. Le premier était caractérisé par l’essor des média de masse comme la télévision, et l’utilisation de célébrités pour promouvoir des produits. Penchons-nous maintenant sur les spécificités du boom contemporain, et sur ses enjeux pour la jeune génération.
Sa particularité est attribuée en partie aux médias sociaux, car ceux-ci permettent une diffusion plus rapide des informations à un plus grand nombre. Les célébrités des années 1970-1980 ont été remplacées par de jeunes influenceurs actifs sur les réseaux. Les communautés dédiées à la santé, au bien-être et au fitness fleurissent sur la toile.
Comment ça marche ?
Les jeunes utilisent de plus en plus les réseaux sociaux, par exemple Instagram, Snapchat ou Facebook, pour accéder à des communautés informelles discutant de sujets divers. La santé, la forme ou l’alimentation s’y font la part belle. Sur ces communautés, les jeunes trouvent par exemple des retour d’expériences ou des opinions sur des produits. Ils y récoltent aussi des idées d’activités, d’exercices ou des recettes, ou encore des photos ou dessins très graphiques présentant la personne « avant/après » l’exercice en question.
Ces communautés sont généralement totalement ouvertes au public – le but des contributeurs étant d’avoir un maximum de visibilité ou d’influence. Elles sont faciles à trouver grâce au système des mots-dièse ou hashtag. Les hashtag représentent des formes de metadonnées sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire des informations qui décrivent le contenu. Par exemple, si je poste une vidéo de moi en train de courir, je l’accompagne du hashtag #course ou #running. Toute personne faisant une recherche sur la base du mot-clé « course » ou « running » sera alors susceptible de trouver mon contenu. Elle pourra ensuite suivre mon compte, commenter, partager. Ainsi naissent les communautés, ou tribus, sur les réseaux.
Cette pratique simple et efficace basée sur les centres d’intérêts communs permet la création de communautés de fitness parfois tentaculaires. Elles regroupent marques, influenceurs, fans et consommateurs. En France, parmi les plus grands influenceurs dans le milieu de la santé et du sport, on retrouve Tibo, Stessie, ou encore Anne. Ces grands sportifs capitalisent sur des communautés riches de plusieurs centaines de miliers de fans. Leur ligne éditoriale est soignée ; leurs posts sont fréquents et suscitent de l’impact ; leurs hashtag sont personnalisés et des partenariats avec des entreprises leur permettent de vivre de cette activité. Leur empreinte et leur pouvoir est donc non négligeable, surtout vis-à-vis d’une population de jeunes en pleine formation de leurs habitudes de santé.
Des retombées bienfaitrices ou négatives ?
Une étude en cours, débutée en 2017 par des chercheurs de KEDGE Business School, sur plusieurs centaines de jeunes Français montre que les communautés liées au fitness ont tendance à avoir un impact positif sur la santé des jeunes, du moins dans une certaine mesure.
Les résultats préliminaires indiquent que participer à des communautés qui parlent de fitness a un effet positif sur les attitudes et comportements de santé des jeunes, et sur le soin qu’ils accordent à leur corps et à leur santé. En s’impliquant et en s’identifiant à un groupe de personnes actifs sur ces sujets, les jeunes développent une conscience des enjeux de santé. Dans l’étude menée, les sujets déclarent adopter des comportements bénéfiques, par exemple une augmentation de l’activité physique hebdomadaire ou une alimentation plus saine.
En effet, nombre de membres actifs dans ces communautés partagent des informations valorisant des pratiques bienfaitrices. On retrouve par exemple des comptes dédiés à l’alimentation sportive ou d’autres modes d’alimentation, au sport, à la méditation ou au yoga. Autant de pratiques qui promeuvent un rapport sain à son corps.
Cependant, on y trouve aussi des informations sensationnalistes ou extrêmes. Les montages photo « avant/après » souvent mis en avant dans le cadre de régimes extrêmes, ou encore l’incitation à une pratique physique intense voire démesurée sont monnaie courante. Que ce soit par intérêt commercial ou simplement pour se mettre en avant, les acteurs diffusant ce type de message peuvent impressionner fortement les adolescents et jeunes adultes en quête de reconnaissance sociale, parfois mal dans leur peau.
En découlent alors des situations de body shaming, consistant à humilier quelqu’un par rapport à son corps. Le body shaming peut être défini comme les actions d’autrui ayant pour cible une personne, dans le but de critiquer son aspect physique. Ce body shaming peut aussi résulter de l’écart entre ce que l’on perçoit comme la norme et son propre physique. Ainsi, la pression exercée par les réseaux peut se manifester par une évaluation personnelle négative de son corps.
Dans certains cas, cela peut aller très loin et pousser les jeunes à reproduire sans encadrement médical des régimes ou pratiques de sport extrêmes, telles qu’ils les ont vues en ligne. On porte actuellement beaucoup d’attention à ce qui se passe sur la toile et à la liberté d’expression physique de chacun.
Cependant, davantage d’études seraient nécessaires pour comprendre les conséquences de ces comportements en ligne, et ce qui se passe une fois que les jeunes on « consommé » ces contenus. Comment réagissent-ils aux informations reçues en ligne en terme de régime alimentaire et d’exercice physique ? Quelles sont les conséquences sur leur bien-être mental et physique ?
Si les réseaux sociaux sont vecteurs d’informations pertinentes, il convient d’être conscient des dangers qu’ils peuvent générer quand il s’agit de la santé des adolescents et jeunes adultes. Ceux-ci doivent jongler entre le développement rapide de leur corps et une envie de reconnaissance sociale. Une situation qui peut vite basculer, en raison de la viralité et la popularité de certains contenus sur les communautés en ligne.