Les salariés sont-ils les meilleurs alliés des dirigeants ?

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publication du 23/01/2018

L’actionnariat salarié favoriserait le maintien à leur poste des dirigeants tout en étant un facteur d’efficience de la gouvernance.

La question mérite d’être posée tant les menaces de renvoi des dirigeants n’ont jamais été aussi élevées. Une étude de Price Waterhouse et Coopers a récemment montré que, fin 2015, pas moins de 16,6% des dirigeants des 2.500 plus grandes entreprises mondiales ont été contraints de quitter leur poste. Le renvoi des dirigeants apparaît ainsi comme une pratique toujours plus répandue, qui peut s’expliquer par diverses raisons. Il peut être la conséquence logique d’une opération de fusion-acquisition, celle de mauvais résultats économiques ou boursiers, voire d’un scandale éthique ou de la dégradation du climat interne de l’entreprise.

Face à cette menace, les dirigeants tentent de trouver des parades et de se prémunir du mieux qu’ils peuvent. Il existe une palette de solutions auxquelles ils peuvent avoir recours. On peut bien évidemment penser à la répartition du capital (et à leur éventuelle détention partielle) ou à la composition « amicale » du conseil d’administration censé les contrôler. Dans le cadre d’une recherche récente, l’auteur a exploré une autre piste. Prenant acte de la proximité naturelle entre salariés et dirigeants, il a analysé l’impact de la présence, parfois significative, des salariés au sein du capital des grandes entreprises cotées. Celle-ci n’est pas neutre car le dirigeant est souvent l’instigateur des mécanismes d’actionnariat salarié qui permettent aux employés de détenir une fraction importante du capital. Souvent qualifié de friendly capital, l’actionnariat salarié, permet ainsi au dirigeant de s’assurer d’une forme de soutien de la part des actionnaires particuliers, dont le destin est en grande partie lié au sien. Les auteurs les plus critiques évoquent même le risque de collusion entre dirigeants et actionnaires salariés. Leurs intérêts étant étroitement liés, ils peuvent collectivement décider de se protéger mutuellement.

Obtenus au moyen d’une étude quantitative portant sur le SBF 250, les résultats apportent plusieurs enseignements très intéressants.

  • Premièrement, plus l’actionnariat salarié (mesuré par le pourcentage de capital détenu) est important, moindre est la probabilité pour le dirigeant de se faire renvoyer, y compris en cas de mauvaises performances. C’est l’une des premières fois qu’une recherche démontre ainsi l’influence directe des salariés lors d’un évènement aussi critique dans la vie d’une entreprise.
  • Un autre volet de l’étude a consisté à examiner si la présence de salariés au capital avait une influence sur le choix du successeur en cas de renvoi du dirigeant. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer de prime abord, les salariés ont une préférence pour des dirigeants externes. Celle-ci s’explique sans doute par leur volonté de préserver l’ensemble des composantes de leur revenu : leur salaire, mais aussi leur patrimoine investi en actions de l’entreprise. À leurs yeux, un candidat externe a sans doute plus de qualités pour préserver leur patrimoine qu’un candidat interne, en partie impliqué dans les potentiels mauvais résultats de l’entreprise. En définitive, cette recherche apporte une confirmation sur le lien étroit unissant dirigeants et actionnaires salariés.
  • Elle montre également que, face à une menace effective de baisse de leur patrimoine, la présence des salariés au capital agit comme un élément d’efficience de la gouvernance en favorisant le choix d’un dirigeant externe, plus à même de redresser l’entreprise.

Mots-clés :PDG, licenciement, rotation, actionnariat salarié, gouvernance.

Hollandts X., 2018.Friend or foe? Employee ownership and CEO dismissal. Managerial and Decision Economics,à paraître. DOI: 10.1002/mde.2911),