Les acheteurs et les startups en France

Achats

publication du 10/06/2024

Romaric Servajean-Hilst, professeur à KEDGE et Directeur du programme Manager de l'Achat International Executive Education publie un article dédié à la transformation de la fonction achats dans les start-ups.

Réussir à travailler avec des startups quand on est une organisation établie, publique comme privée, est de plus en plus nécessaire pour pouvoir répondre efficacement aux opportunités comme aux secousses d’un monde de plus en plus volatile, incertain et complexe. Pour cela il est nécessaire de mobiliser ses différentes fonctions, qu’elles soient ou non associées à l’innovation.

Faire travailler des startups ce n’est pas seulement réaliser des preuves de concepts mais aussi se projeter dans l’après : la mise en œuvre de l’innovation, la phase « business ». La fonction Achats est alors en première ligne – la plus pertinente pour gérer les relations client-fournisseur ; c’est son métier. Or, cela requiert de transformer la fonction Achats. Travailler avec des startups est une situation extrême de relation client-fournisseur, qui met à mal tous ses réflexes et processus construits pour maîtriser en priorité les risques et les coûts. Cette transformation de la fonction Achats est en cours.

A travers l’Observatoire Achats & Innovation Kedge Executive Education,nous travaillons à identifier et accompagner celle-ci par la recherche et la formation. A travers notre étude annuelle, nous voyons ainsi progresser sa participation à la stratégie d’innovation de son entreprise : quand cela faisait partie des 5 premières priorités de 16% des départements Achats en 2020, ils sont désormais 29% en 2023. Année après année, ils sont de plus en plus impliqués sur les projets innovants de leur périmètre. Et quand nous regardons plus précisément s’il y a des différences d’implication de la fonctions Achats dans les projets avec des start-ups et dans ceux avec des fournisseurs « classique » déjà référencés, nous voyons qu’en moyenne les départements Achats sont moins impliqués dès lors qu’il y a des startups (table 1) : le taux de couverture complet par les achats chute de 44% à 34%. Et plus précisément, département par département, ce sont 33% d’entre eux qui sont concernés par un différentiel d’implication négatif dès lors qu’il s’agit d’acheter à des startups.

Table 1 : fréquence d’implication des départements Achats dans les projets d’innovation sur leur périmètre avec les startups vs. les fournisseurs références (au panel) en 2023

Statistiques

Statistiques

 

Les analyses statistiques ne révèlent aucun lien avec le secteur d’activité, la taille de l’entreprise ou même le type d’achat. En revanche, un niveau élevé d’implication des achats de ces entreprises dans les projets innovants, avec les startups comme avec les fournisseurs au panel, est fortement lié par l’engagement de la direction générale à l’innovation, par l’implication des directions Achats dans un management innovant de ses équipes, mais aussi par la qualité de l’ambiance de travail dans les équipes d’acheteurs.

Cette différence de moindre implication dans les projets avec les startups s’explique par deux facteurs d’influences spécifiques au niveau des fonctionnements des services Achats. D’une part, plus ils sont impliqués dans les processus de sélection des fournisseurs, plus ils sont impliqués dans les projets avec les startups (probabilité critique de 0,005). D’autre part, plus il y a de règles et processus à suivre, moins ils le sont (probabilité critique de 0,037).

Ces résultats viennent confirmer la bonne trajectoire des efforts en cours en matière de formation des acheteurs mais aussi des dirigeants Achats. Ils soulignent également le parcours qui reste à réaliser en matière de formation à l’innovation collaborative et aux achats innovants – notamment des autres fonctions internes et certainement aussi des startups – et en matière de management des Achats. Il y a en effet tout autant une dimension psychologique dans la capacité des équipes Achats et de leurs interlocuteurs à s’adapter aux contraintes des uns et des autres, et une dimension processuelle aussi pour réussir à ouvrir des chemins de collaboration qui permettent de mieux intégrer les startups afin qu’elles deviennent de futurs fournisseurs référencés, avec du chiffre d’affaires récurrent.

En savoir +

Cet article a été publié dans la première édition de l'Observatoire des relations entre start-ups et grands comptes

Consulter l'Observatoire