La relation des étudiants à l’IA, entre soutien aux apprentissages et menace pour l’estime de soi

Intelligence artificielle

publication du 18/11/2025

L’intelligence artificielle générative s’impose aujourd’hui comme une révolution dans l’enseignement supérieur. En 2025, près de 74 % des 18-24 ans en France l’utilisent régulièrement, soit bien plus que les tranches d’âge supérieures. Capable de résumer un texte, de rédiger un devoir ou de produire une image en quelques secondes, l’IA apparaît pour beaucoup d’étudiants comme un outil d’efficacité et de soutien à l’apprentissage, et pour les enseignants, comme un levier de diversification pédagogique.

Mais derrière cette apparente facilité, plusieurs défis émergent : comment intégrer l’IA de façon responsable et adaptée aux besoins cognitifs et émotionnels des étudiants ? Car si elle favorise l’accès à la connaissance, son usage peut aussi transformer la manière d’apprendre, de raisonner et de se percevoir comme apprenant. 

Giulia Pavone, professeure spécialisée en intelligence artificielle appliquée aux sciences de gestion et au marketing, à KEDGE Business School analyse ces défis.

Les effets cognitifs : le risque d’une “dette cognitive”

Selon une étude du MIT, déléguer trop de tâches intellectuelles à l’IA pourrait générer une “dette cognitive” : à mesure que notre cerveau s’appuie sur la machine, certaines compétences clés – mémoire, raisonnement, esprit critique – risquent de s’atrophier.
Même si ces résultats restent préliminaires, ils rappellent la nécessité de réfléchir à la place de l’IA dans le processus d’apprentissage : non pas pour en limiter l’usage, mais pour préserver une activité intellectuelle authentique et exigeante.

Les effets émotionnels : entre soutien et dépendance

L’usage de l’IA transforme aussi la relation affective des étudiants à leurs études.
Une recherche menée dans une grande école de commerce montre que les étudiants les plus anxieux perçoivent l’IA comme un appui indispensable, tout en redoutant d’être jugés ou remplacés.
Ceux dont l’estime de soi est plus solide l’utilisent avec confiance, mais développent eux aussi une forme de dépendance.
Cette ambivalence illustre un paradoxe : l’IA accroît le sentiment d’efficacité tout en fragilisant la confiance en ses propres compétences.

Un levier d’apprentissage personnalisé

Malgré ces risques, l’IA offre des opportunités majeures pour personnaliser les parcours éducatifs.
Elle peut reformuler un concept difficile, ajuster le rythme d’apprentissage et accompagner les étudiants au-delà des heures de cours.
Lorsqu’elle est intégrée dans une démarche pédagogique réfléchie, elle devient un outil de soutien cognitif et créatif favorisant l’autonomie.

Former à la métacognition : apprendre à apprendre avec l’IA

L’enjeu n’est pas seulement technologique, mais avant tout éducatif : développer la métacognition, c’est-à-dire la capacité à observer, comprendre et réguler ses propres pensées et stratégies d’apprentissage.
Encourager cette réflexivité permet aux étudiants d’utiliser l’IA comme un partenaire d’apprentissage plutôt qu’un substitut de réflexion.

Un nouveau rôle pour les enseignants

Pour les enseignants, intégrer ces outils suppose une réflexion pédagogique et éthique approfondie : comment garantir la légitimité des productions assistées, prévenir la dépendance et favoriser une utilisation critique ?
L’IA redéfinit ainsi le rôle enseignant, qui devient celui d’un accompagnateur dans la construction de l’autonomie intellectuelle et émotionnelle des étudiants.

Préparer les compétences de demain

Dans un monde où la collaboration entre humains et IA devient la norme, il est essentiel de cultiver les compétences profondément humaines : pensée critique, créativité, empathie, curiosité, adaptabilité et capacité à apprendre en continu.
Comme le rappelle le Future of Jobs Report 2025 du World Economic Forum, ces qualités forment le socle de la réussite future — bien au-delà de la seule maîtrise technologique.