Pour relever les défis de la décarbonation, de la souveraineté et du digital, il y a quelques mois, le groupe Safran annonçait porter de 80 à 130 millions d’euros l’enveloppe d’investissement de sa filiale Safran Corporate Ventures qui investit dans les startups et les sous-traitants de l’aéronautique.
A la lecture des articles parus alors, on pouvait comprendre que ce fonds d’investissement a quatre objectifs. Premier objectif : la détection de startups innovantes. Second objectif : tester des nouveaux concepts et technologies liés à son cœur de métier. Troisième objectif : contribuer à des activités connexes, tels que des logiciels ou des solutions de décarbonation. Les résultats présentés sont exceptionnels, voire inhabituels, à ce jour : seulement un échec sur 22 prises de participation.
Le financement, condition nécessaire mais non suffisante
Ces défis sont aujourd’hui les défis de nombres d’entreprises. Et la voix empruntée est aussi une voix classique. Faire appel à l’externe pour renforcer sa compétitivité présente comme future nécessite en effet de multiplier les modalités d’accès aux ressources externes et d’encourager leur développement. Des prises de participations de 200.000 à 500.000 euros pour les plus jeunes pousses, et de 6 à 10 millions d’euros pour celles qui s’apprêtent à passer à l’échelle sont des conditions parfois nécessaires pour assurer les développements de startups et de PME expertes, mais elles ne sont jamais suffisantes.
Faire prendre la greffe de l’externe sur l’interne
Les travaux de recherche sur les Achats et l'Innovation montrent ainsi qu’un des nouveaux rôles de l’acheteur consiste à établir les bonnes liaisons entre interne et externe et s’assurer de la qualité de la communication. Il s’agit de faire prendre la greffe. En effet, une acquisition ou une intégration d’une entité externe à son entreprise est toujours source d’échec quand il n’y a pas d’affinités, non seulement stratégiques, mais aussi capacitaires et relationnelles avec les entités internes. Dans ce sens, ce que l’on retient de l’intérêt du modèle Safran réside dans la mise en place d’un « sponsoring » de chaque startup par une des activités du groupe. Il serait intéressant de savoir comment les achats s’insèrent dans le dispositif – d’autant que Safran est reconnu parmi les entreprises pionnières en matière d’Achats-Innovation.
Préparer le scale-up par un soutien opérationnel
Le défi post-greffe est celui de la croissance, du passage à l’échelle. La jeune pousse doit devenir grande pour pouvoir être un « vrai » fournisseur et délivrer à l’échelle du grand groupe. L’adossement d’un grand groupe, client et futur client, peut s’avérer ici nécessaire. L’aéronautique et la défense peuvent être encore sources d’inspirations. Les exigences de compensations industrielles, ou offsets, dans les grands contrats passés à l’étranger les ont conduits à développer un savoir-faire pour mettre en place de nouvelles filières d’approvisionnements industriels, partant parfois de zéro. Ils savent monter des équipes spécialisées. Certains, comme le groupe Airbus, avec sa filiale Airbus Développement, propose aussi, sur le territoire français, des apports en conseil et expertises, en plus de financements, afin d’aider des PME à se développer.
La multiplication des dispositifs et initiatives, fonds d’investissement et accompagnement par les équipes internes (dont les achats) en tête, permet ainsi de contribuer à développer des écosystèmes à partir de jeunes pousses en couvrant la palette des besoins.
Une première version de cette tribune a été publiée dans la revue Décision Achats