COP30 à Bélém : le silence médiatique qui menace la compétitivité de demain

Développement durable

publication du 20/11/2025

La COP30 accueillie à Belém depuis le 10 novembre dernier, aurait dû constituer un moment clé de la gouvernance climatique mondiale.  Pour la première fois depuis l’Accord de Paris (COP21, 2015) les États étaient appelés à démontrer la crédibilité de leurs trajectoires 2030.  Pourtant cet événement majeur, en plein cœur de l’Amazonie, a bénéficié d’une médiatisation particulièrement faible alors même que son agenda engage directement la structure de l’économie mondiale et les chaînes d’approvisionnement qui en constituent l’ossature.

Le contraste entre la portée stratégique de la COP30 et son absence de visibilité révèle un risque économique et politique majeur. Sans relais médiatique, les discussions internationales peinent à se transformer en engagements concrets et en mutations tangibles des modes de production et d’échange.

Un angle mort médiatique aux conséquences systémiques

Cette absence de couverture est d’autant plus étonnante que les secteurs les plus décisifs pour la transition se trouvent au cœur des chaînes logistiques mondiales. Le transport représente près de 40 % des émissions associées aux chaînes d’approvisionnement, et le maritime, à lui seul, approche les 3 % des émissions planétaires (CNUCED, 2024). En parallèle, la demande énergétique des systèmes logistiques ne cesse d’augmenter sous l’effet du commerce électronique, de la fragmentation des chaînes de production et de l’intensification des flux Sud-Sud. En somme, les décisions qui doivent être prises à Belém ont toutes les raisons d’influer durablement sur les modèles d’échange, les coûts logistiques et, donc la compétitivité des entreprises.

Le Brésil, carrefour stratégique de l’énergie et des chaînes logistiques

Le choix du Brésil comme hôte de la COP30, loin d’être anodin, illustre parfaitement l’interdépendance entre enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux. Le pays figure parmi les premiers exportateurs mondiaux de soja, de minerais et de produits énergétiques, ce qui en fait un acteur central dans la structuration des chaînes d’approvisionnement globales. Les dynamiques logistiques de l’Amazonie influencent directement les équilibres agricoles, alimentaires et énergétiques mondiaux.

Dans ce contexte, certains chercheurs (Ben Saad & Ben Saad, 2025) apportent un éclairage décisif  sur cette dynamique: ils montrent que la frontière entre énergie et logistique s’est estompée et que la convergence entre systèmes énergétiques et chaînes d’approvisionnement devient un déterminant clé de la compétitivité. Depuis 2019, la littérature scientifique sur ce sujet a connu une croissance rapide, traduisant une prise de conscience croissante dans les sphères industrielles et académiques. Dans certains secteurs, les coûts énergétiques représentent déjà plus de 30 % des coûts logistiques, faisant de l’énergie non plus un simple intrant, mais un levier stratégique. Cette convergence redessine les équilibres économiques : l’électrification du transport lourd, l’intégration de l’hydrogène dans les corridors logistiques, la création d’infrastructures portuaires bas carbone et le développement de réseaux d’énergie renouvelable dédiés aux plateformes industrielles s’imposent comme des tendances lourdes. Le marché mondial des technologies logistiques bas carbone pourrait dépasser les 300 milliards de dollars d’ici 2030, un champ d’investissement que les États doivent apprendre à encadrer pour soutenir une transition cohérente et durable (McKinsey, 2024)

Et pourtant, ces transformations ne trouvent qu’un écho limité dans les négociations climatiques. Les discussions restent souvent segmentées, énergie d’un côté, transport de l’autre, commerce et industrie ailleurs,  alors que la transition exige une vision intégrée. Cette fragmentation rend difficile la définition et réalisation d’objectifs cohérents pour des secteurs qui, tout en étant responsables d’une part importante des émissions mondiales, subissent déjà une pression croissante pour décarboner leurs activités.

Quand le silence médiatique freine la dynamique géopolitique

Le déficit de médiatisation de la COP30 accentue cette déconnexion. En réduisant l’attention publique, il affaiblit la capacité des citoyens, des entreprises et des parlementaires à peser sur le processus décisionnel. Sans pression extérieure, les États avancent en ordre dispersé. Certains investissent massivement dans les infrastructures bas carbone, tandis que d’autres soutiennent encore des chaînes d’approvisionnement intensives en énergie fossile. Cette asymétrie crée une incertitude pour les entreprises, complique les stratégies de décarbonation et ralentit l’harmonisation des standards internationaux.

L’Amazonie aurait pu servir de cadre symbolique pour aborder ces enjeux de façon structurée. Au croisement de la biodiversité, des cultures locales, des ressources énergétiques et des grands flux logistiques, la région incarne à elle seule les tensions de la transition écologique. Pourtant, la COP30 n’a que marginalement abordé la question de la transformation matérielle des chaînes d’approvisionnement. Les engagements demeurent généraux, alors que les acteurs économiques attendent des signaux clairs et forts concernant les infrastructures stratégiques, les futurs corridors verts ou les normes de décarbonation.

Ce paradoxe met en lumière les limites de la diplomatie climatique actuelle.

Pour que la transition des chaînes d’approvisionnement devienne une réalité économique, il faudra non seulement des politiques ambitieuses, mais aussi un débat public suffisamment structuré pour légitimer les choix difficiles à venir. Redonner aux conférences climatiques la visibilité qu’elles méritent est désormais indispensable. La transition énergétique et logistique ne pourra prendre corps que si elle s’inscrit dans une vision partagée des interdépendances mondiales et des transformations économiques qu’elles impliquent.

Références

Ben Saad, M., & Ben Saad, R. (2025). Exploring the convergence of energy and sustainable supply chains: a systematic reviewSupply Chain Forum: An International Journal, 1–15.

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