Adapter les dessins animés en films, pour quoi faire ?

Marketing & nouvelle consommation

publication du 30/03/2017

Le 22 mars dernier est sortie sur nos écrans l’adaptation filmée du chef d’œuvre de Disney, La Belle et la Bête. Le film est d’ores et déjà un succès public et critique et s’inscrit dans une sorte de mode ou de tradition d’adaptation des dessins animés (une dizaine de films d’animation ont été adaptés en film et de nombreux autres projets sont en cours).

Quels sont les objectifs d’une telle stratégie pour le studio et les principales difficultés à surmonter, d’un point de vue artistique, pour la réalisation ? Pourquoi ces extensions de marque sont-elles aussi prisées par le public ?

Une explication par l’extension de marque

De très nombreuses productions cinématographiques comme Harry PotterJames Bond ou Star Wars sont appréhendées comme des franchises ou des marques d’entertainment globales autour desquelles gravitent des millions de fans structurés en puissantes et créatives communautés. L’expérience des films se prolonge sur divers supports tels les jeux vidéo, les livres, les bandes originales, les DVD, les produits dérivés ou encore les parcs d’attractions.

L’adaptation cinématographique d’un dessin animé peut être interprétée comme une extension de la marque représentée par l’œuvre originale. Concept phare du marketing, la marque est une notion complexe, multidimensionnelle qui ne peut pas faire l’objet d’une définition unique. Selon l’Association américaine du marketing, une marque est « un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute combinaison de ces éléments servant à identifier les biens et services d’un vendeur et à les différencier des concurrents ».

Pour les consommateurs, elle joue le rôle d’une sorte de contrat de confiance avec l’entreprise assurant authenticité et qualité tout en servant de point de repère lui permettant d’orienter son choix face à une offre parfois pléthorique de biens ou de services.

Si ce concept a surtout été abordé pour des produits de grande consommation, son champ d’application s’est progressivement étendu à d’autres objets comme les services, les distributeurs, les territoires, les personnalités et les produits de divertissement parmi lesquels les films.

L’extension de marque, quant à elle, se définit comme une stratégie consistant à utiliser une marque ayant fait ses preuves dans une industrie donnée pour développer de nouveaux produits ou de nouvelles activités. L’industrie du cinéma a fréquemment recours à ce procédé d’extension à travers les adaptations en films de bandes dessinées (Boule et Bill), de jeux vidéo (Assassin’s Creed), d’attraction (Pirates des Caraïbes), de jouets (Transformers) et de films d’animation.

Quels sont les avantages procurés par l’adaptation ?

Tout comme pour l’adaptation de bandes dessinées, celle d’un dessin animé se traduit souvent par un carton commercial. Accompagnés généralement par une impressionnante campagne promotionnelle orchestrée par les studios et relayée en salles, ces films attirent un public nombreux et familial. 

À titre d’exemple, la version d’Alice au pays des merveilles réalisée par Tim Burton a rapporté plus d’un milliard de dollars pour un budget de 200 millions. Par ailleurs, l’acquisition des droits d’adaptation, pouvant être parfois onéreuse ou complexe, n’est évidemment pas un problème pour Disney qui peut exploiter son portefeuille d’histoires et de personnages. En outre, la notoriété de la marque a déjà été établie lors de la sortie du film d’animation original et de ses multiples diffusions. Il n’y a donc pas de « risque » pour le public d’être déçu par une histoire qu’il connaît déjà, de la même manière qu’un consommateur ferait confiance à Apple, Coca-Cola ou Nike qui décideraient d’étendre leur territoire de marque. Enfin, ces productions sont transgénérationnelles et ciblent encore plus largement que les dessins animés d’origine en s’adressant à la fois aux enfants, mais aussi aux parents et aux grands-parents.

De surcroît, elles ravivent auprès de certains publics un sentiment nostalgique. Le spectateur a donc l’occasion de revivre des émotions remontant à sa propre enfance sur un autre support et à travers un statut différent, celui de parent.

La recette artistique

D’un point de vue artistique, plusieurs challenges se posent, du choix du dessin animé à adapter, des acteurs et des réalisateurs, à l’écriture du scénario en passant par la qualité des effets spéciaux. Soulignons toutefois que cette aventure s’avère sans doute moins périlleuse que celle de l’adaptation d’une bande dessinée ou d’un jeu vidéo qui sont des supports de nature très différente.

  • En ce qui concerne le choix du film d’animation à adapter, Disney a l’embarras du choix même si certaines œuvres paraissent difficilement adaptables pour des raisons diverses (Oliver et CieBambiTaram et le Chaudron magique). Le studio américain s’est pour l’instant concentré sur des titres phares de son catalogue comme Le Livre de la jungleAlice au pays des merveillesCendrillonBlanche Neige ou Les 101 Dalmatiens.
  • Quant à l’histoire, le scénario peut être un quasi-décalque de l’œuvre originale, comme c’est le cas pour La Belle et la Bête et Cendrillon, ou s’aventurer sur des terrains nouveaux comme pour Alice au pays des merveilles (où Tim Burton a clairement apposé sa marque de fabrique) ou pour Maléfique dont l’histoire commence avant celle de La Belle au bois dormant et tourne autour de la méchante fée.

La première option rassure les puristes et les enfants pouvant être déstabilisés par une éventuelle relecture tandis que la seconde s’adressera à un public différent et sera perçue comme plus créative par les critiques. Attention, néanmoins certaines scènes (le bal dans La Belle et le Bête, la pantoufle dans Cendrillon ou les chansons (« Il en faut peu pour être heureux » reprise par Eddie Mitchell dans la version française du Livre de la jungle) sont particulièrement attendues par le public.

  • Par ailleurs, le choix des acteurs incarnant les personnages est une problématique importante entre interprète correspondant physiquement au personnage (Lily James pour Cendrillon) ou superstar bankable capable d’attirer une part non négligeable de ses fans (Johnny Depp et le Chapelier fou, Angelina Jolie et Maléfique, Charlize Theron et la Reine Ravenna, Glenn Close et Cruella).
  • Enfin, dernier ingrédient, les effets spéciaux essentiels afin de retrouver la magie des dessins animés. Tourné en prises de vue réelles et utilisant le procédé du motion capture confrontant un acteur avec des animaux plus vrais que nature, Le Livre de la jungle a été salué par les critiques en raison d’une prouesse technique au service de l’émotion.

L’empire Disney peut dormir sur ses deux oreilles. Si son catalogue de films d’animation adaptables en films est impressionnant (les projets se succèdent année après année), le studio poursuit avec succès ses créations originales (La Reine des neigesVaiana), alternées de productions Pixar (Le voyage d’ArloLe Monde de Dory), Marvel (Docteur StrangeLes Gardiens de la galaxie 2) ou encore la saga Star Wars (Star Wars 7Rogue One).

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