5 clés pour repenser la collaboration durable en aéronautique

Supply Chain

publication du 05/03/2024

Le Centre de recherche en Supply Chain de KEDGE Business School qui se donne pour objectif de répondre aux défis économiques, environnementaux et sociétaux posés dans la supply chain, en développant avec les entreprises, les collectivités, les partenaires institutionnels et académiques, les concepts. méthodes et outils innovants nécessaires à l'organisation et à la transformation de la supply chain.

Dans un environnement aéronautique de plus en plus complexe, marque par une intensification des cadences, les industriels doivent repenser les relations avec leurs fournisseurs. L'époque du simple donneur d'ordre exécutant est révolue et fait place a une synergie fondée sur la confiance et la poursuite d’objectifs mutuels. Selon notre enquête, 5 facteurs clés sont décisifs dans la construction d’une collaboration durable avec les fournisseurs.

Cet article a été co-écrit parAntoine Jeanjean, Consultant en IA et en data science 0PT2A et professeur affilie a KEDGE Business School.
Haythem Selmi, Consultant chercheur senior chez Square Management. Bruno Mahe, Dirigeant de Cadenn, conseil en supply chain et intervenant à KEDGE Business School

Menée au sein du Cesit de KEDGE Business School et en collaboration avec Airbus Atlantic, et soutenue par la direction générale de l’Aviation civile (DGAC) dans le cadre de France Relance, notre étude a cherche a étudier les méthodes collaboratives utilisées par les leaders industriels dans divers domaines, dans le but d’en comprendre les rouages et d’en tirer des enseignements utiles pour le secteur aéronautique, qui fait face a une forte montée des cadences. Nous nous sommes focalises sur des entreprises ayant a la fois une position dominante dans leur secteur, une relation déséquilibrée avec leurs fournisseurs et des cycles de production longs. Au final, cette enquête a fait émerger cinq facteurs clés pour une collaboration durable avec les fournisseurs.

Co-construire une gouvernance stratégique pour garantir une collaboration durable

Le partage de plans stratégiques intégrant des scenarios de croissance et d'investissements a long terme permet aux entreprises et a leurs partenaires de se préparer aux évolutions du marche et de mettre en place des actions concertées. Cette approche collaborative assure une vision commune des objectifs et des perspectives, favorisant ainsi une meilleure coordination et une prise de décision éclairée pour toutes les parties prenantes. A la lumière de divers témoignages sectoriels (automobile, équipements industriels, grande distribution), la clé d’une collaboration efficace réside dans la régularité des échanges pour garantir une communication fluide, dans la transparence pour établir des attentes mutuelles claires et dans l’adaptabilité face aux exigences changeante du marche. Mais un autre levier essentiel est a souligner : l’importance des contrats flexibles qui, s’ils ne sont pas mentionnes explicitement dans les témoignages, offrent la possibilité d’ajuster les modalités en réponse aux variations du marche et aux situations imprévues.

Harmoniser les processus S&OP et planification

La gouvernance tactique au sein du processus S&OP revêt plusieurs formes. Dans l’automobile, la collaboration est au cœur de la planification.

Une responsable Supply Chain témoigne : « Grace à nos fenêtres dédiées d’introduction de nouvelles pièces, nous collaborons étroitement pour anticiper les besoins tout en réduisant la diversité des nouveautés a gérer simultanément. Cette synergie s’observe lors de la revue Product Management du S&OP. De plus, nos Capacity Managers établissent un partenariat avec les fournisseurs pour ajuster la production aux demandes changeantes, une démarche collaborative au sein de la revue Supply du S&OP. » Un autre recommande « d’inclure activement les fournisseurs stratégiques dans le processus S&OP. Leurs contributions sont particulièrement précieuses lorsqu’il s’agit d'évoquer des enjeux autour des matières critiques. » Par ailleurs, la collaboration entre fournisseurs et clients est au cœur des nouvelles approches de planification et de gestion des stocks, comme en témoignent les pratiques des secteurs de la grande consommation, avec la VMI par exemple, et de l’équipement industriel où l’on voit l’émergence de méthodologies innovantes telles que le DDMRP.

Les fortes montées en cadence qui ont suivi la crise sanitaire nous ont amenés a revoir les bases du pilotage de notre supply chain. La montée en maturité et en compétences de nos équipes, affectées par un renouvellement important, est primordiale et s’est traduite par le renforcement des formations et de l’acculturation au milieu aéronautique et a L’ensemble de nos flux. Le renforcement de la gestion des relations clients/fournisseurs nécessite une collaboration étroite et la meilleure transparence des informations logistiques. Afin de mieux anticiper les évènements de l'intégralité de notre supply chain, qui est assez complexe, nous travaillons sur le design d’un cockpit étendu, qui permettra de disposer d’une vision partagée en temps réel avec nos
partenaires. Celui-ci peut faire appel a de l'IA afin de mieux identifier les signaux faibles et intègre les informations de planification (PIC)
moyen/long terme. Le tout est accompagne d’un profond travail de simplification de nos flux physiques et d'information. 

Emmanuel Jugeau, Head of End to End Demand & Supply, Airbus Atlantic.

Innover en s'appuyant sur des nouvelles technologies et la digitalisation

Les avancées technologiques redéfinissent profondément la collaboration au sein de la supply chain, tant pour établir une chaine d’information efficace et précise via des technologies comme IoT et la blockchain, que pour capitaliser sur ces données, grâce a l'IA et a l’apprentissage automatique, calculer des indicateurs pertinents, produire des analyses et formuler des recommandations. Dans ce contexte, les plateformes de gestion mutualisée et les systèmes d’information partages offrent une visibilité inédite sur les processus, renforçant la communication et la coordination entre les différents partenaires. Mais la clé de la collaboration réussie ne réside pas uniquement dans les outils, c’est aussi et surtout dans l’ancrage d’une culture axée sur la donnée. L’adoption de catalogues de données, visant a standardiser les informations échangées, est également préconisée comme un moyen d’optimiser les échanges interentreprises.

Faire évoluer la culture et les compétences futures

Face a l’essor de la transformation numérique et de l’intégration des technologies avancées, les entreprises doivent a la fois redéfinir et enrichir leur culture et leurs compétences. Cette évolution exige une compréhension profonde des répercussions de ces innovations sur les paradigmes de travail, en mettant l’accent sur la formation continue et l’adaptabilité. D’autre part, l’émergence d une culture de la data s'avère indispensable. Au-delà de la simple manipulation des données, il s’agit de considérer les données comme un atout stratégique, essentiel a la prise de décisions éclairées. Un changement de culture est également nécessaire dans les relations entre partenaires, de façon a développer la confiance et a fluidifier la gestion des opérations entre acteurs. A l’image de ce directeur industriel qui a convenu avec ses fournisseurs principaux, notamment ceux qui avaient des antécédents de performance faible, qu’ils conservent un stock défini de produits finis ou semi-finis en échange de la garantie que le surplus serait racheté a la fin de la période convenue.

Mettre en place des indicateurs de la qualité et de l'efficacité du partenariat

La réussite d’un partenariat se mesure grâce a des indicateurs qualitatifs et quantitatifs définis en concertation, et qui servent a évaluer régulièrement
l’efficacité et la qualité des interactions entre les partenaires et a définir les axes d’amélioration. Comme le souligne un acteur du secteur de l’équipement industriel : " La mise en place de KPI relatifs a la communication, la résolution de conflits ou la réalisation des objectifs communs peut s’avérer essentielle. Parmi eux, on peut citer le taux de satisfaction des parties prenantes, le nombre d’incidents résolus en un temps donne ou encore le respect des délais convenus.

Cet article a été publié dans Supply Chain Magazine, février 2024, n°65