4 défis à relever par les distributeurs pour évoluer vers le commerce connecté

Marketing & nouvelle consommation

publication du 25/02/2021

Le souhait des consommateurs pour une expérience d'achat intégrée ou "sans couture" couplé à la crise liée au Covid-19, renforce la nécessité pour le secteur de la distribution d'accélérer sa transformation digitale.

Afin d'assurer la survie et la compétitivité des distributeurs, ils doivent aujourd'hui, plus que jamais, relever le défi du commerce connecté qui tend vers une intégration des canaux.

Évoluer vers l’omnicanal est synonyme pour les distributeurs d’abandon d’une organisation en silos.

Dans l’organisation en silos, les canaux sont souvent gérés indépendamment les uns des autres, par des entités distinctes, qui ne coopèrent pas pleinement.

L’organisation en silos, d’abord privilégiée par les distributeurs, permettait de cibler les clients en fonction du canal et réduisait les risques de cannibalisation.

L’omnicanal rend caduque l’opposition entre commerce en magasin et e-commerce et fait évoluer le commerce de détail vers le commerce connecté. Ce dernier peut être défini comme une « activité visant à l’achat et à la vente de marchandises utilisant, dans la pratique de cette activité, un accès vers Internet » [1].

L’expression « commerce connecté » englobe donc à la fois le e-commerce et le commerce en magasin, et transforme les points de vente physiques en magasins « augmentés » grâce aux technologies digitales (borne et miroir interactifs, paiement mobile, assistants mobiles pour les vendeurs, etc.).

Les technologies digitales en magasin favorisent une expérience d’achat « sans couture ».

L’étude de six distributeurs français et canadiens, click-and-motar et pure player, appartenant à trois secteurs (culture & loisirs créatifs, vins & spiritueux et chaussures & accessoires) a permis d’identifier quatre défis qui doivent être relevés par les distributeurs en vue d’une intégration réussie des canaux[2].

Ces défis portent sur l’organisation elle-même, sur la proposition de valeur, sur la logistique ainsi que sur le partage de la valeur additionnelle que peut engendrer le commerce connecté.

Les défis organisationnels 

Il est nécessaire tout d’abord d’adapter le système d’information (SI) pour intégrer les données issues des différents canaux.

Cette adaptation semble plus facile pour les pure players (qui en ouvrant leurs magasins utilisent le même SI que celui du site Internet) que pour les click-and-mortar qui se sont souvent développés en silos avec des SI différents pour chaque canal.

Ensuite, une conduite du changement doit être menée pour éviter la résistance des employés. En effet, le commerce connecté fait évoluer la relation client-vendeur d’une relation « face-à-face » à une relation « côte-à-côte », qui nécessite un rééquilibrage en dotant le vendeur des mêmes outils que le client.

Afin de pouvoir assurer une « symétrie des attentions » (qui reflète l’idée que la qualité de la relation qu'une entreprise entretient avec ses clients doit être la même que celle qu'elle entretient avec ses collaborateurs), l’entreprise doit mettre en parallèle une « symétrie des équipements » afin « d’augmenter » le vendeur pour rééquilibrer la relation client-vendeur.

Ce virage du digital a entrainé un changement des habitudes de travail (commande web passée en magasin, retrait des commandes click-and-collect) ; il y a donc une véritable conduite du changement à mener afin de lever les freins techniques et psychologiques, avec des difficultés plus marquées chez les distributeurs click-and-mortar.

La proposition de valeur se retrouve dans l’offre, l’expérience client et l’aménagement du magasin

Ainsi, l’assortiment en ligne est souvent plus large qu’en magasin afin d’exploiter la logique de longue traine.

Grâce à la commande web en magasin, le distributeur peut proposer une offre additionnelle importante (quasiment identique à ce que propose Amazon par exemple pour un distributeur dans le domaine de la « culture & les loisirs créatifs »).

De plus, il est possible pour les distributeurs de géo-localiser leur assortiment en magasin à partir des achats effectués en ligne par les clients résidant dans la zone de chalandise.

En ce qui concerne l’expérience client, le déploiement de la technologie digitale en magasin permet de gommer les frontières entre les canaux.

Les bornes, les cabines d’essayage connectées, les tablettes et les écrans constituent de nouveau moyens de présenter la marchandise et facilitent l’accès aux produits et l’acte d’achat en boutique.

Trois distributeurs sur les six étudiés ont réellement déployé de tels dispositifs afin de gommer tous les « efforts client » et les contraintes en magasin que les clients acceptent de moins en moins et assurer ainsi une meilleure disponibilité des vendeurs et de l’information client.

Le fait d’être issu du commerce physique ou digital ne semble pas expliquer ce choix.

Au niveau de l’aménagement du magasin, la place dédiée à la technologie digitale en magasin et aux points de retrait se fait au détriment de la surface d’exposition des produits.

Cependant, cette réduction de la surface de vente peut être compensée par un assortiment plus adapté à la zone de chalandise et un accès aux marchandises disponibles dans les autres magasins de l’enseigne ou dans les entrepôts centralisés, si le système logistique le permet.

Assurer la logistique de livraison, mais également les retours

La logistique dans ce contexte doit clairement être orientée vers les clients et les livraisons individuelles.

Le click-and-collect est proposé par la plupart des distributeurs étudiés.

Les solutions reposant sur la préparation des commandes (en ligne) en magasin et les livraisons inter-magasins ne semblent pas efficientes.

La logistique des retours est évoquée par la plupart des distributeurs étudiés qui autorisent le retour en magasin des commandes en ligne. Par exemple, le retour en magasin est stratégique pour les chaussures. & accessoires.

Relever les défis au niveau du partage de la valeur et des KPI utilisés

Les investissements en début de transformation sont importants et les effets sur la performance difficile à mesurer avec des métriques classiques.

De nouveaux indicateurs et des méthodes innovantes pour mesurer le ROI doivent être imaginés.

Il ressort de l’étude que le commerce connecté peut être à l’origine d’un supplément de valeur provenant de ventes additionnelles (commande web en magasin et click-and-collect propice aux ventes additionnelles et à l’augmentation du panier moyen) et d’une meilleure exploitation de la connaissance client (exploitation des données du e-commerce pour améliorer la performance des magasins).

Cependant, la manière de répartir cette valeur diffère. Celle-ci peut être partagée entre le site et les magasins ou bien être captée par l’un ou l’autre. Un effet lié à l’ADN du distributeur est mis au jour.

Par ailleurs, développer des indicateurs de performance spécifiques au commerce connecté semble plus aisé pour les pure players.

Pour les click-and-mortar, un facteur explicatif de l’adoption d’indicateurs spécifiques peut être le degré d’avancement de l’intégration.

Plus la démarche vers le commerce connecté est avancée, plus les investissements sont conséquents, ce qui amène les détaillants à penser au retour sur investissement et à la manière de le mesurer.

Dans le commerce connecté, il est recommandé de sortir de la logique des silos où chaque canal devait être rentabilisée séparément.

Une commande web livrée en magasin peut ne pas être rentable en elle-même pour l’entreprise, mais le devenir en raison de ventes additionnelles lors du retrait en magasin.

Cela, peut contribuer à améliorer l’expérience client qui trouve le produit recherché en ligne grâce à la logique de la longue traine.

Dans le déploiement de leur stratégie omnicanal, les distributeurs doivent accorder une très grande importance à la fois aux facteurs humains, comme la communication interne afin de lever au plus vite les freins du personnel en magasin, mais aussi des facteurs plus techniques comme l’intégration préalable des systèmes d’informations, afin que l’intégration des canaux soit réelle.

[1] Vahneems, Régine (2015). Réussir sa stratégie cross et omnicanal, éditions EMS, 203 p.

[2] Bressolles G. et Viot C. (2021), Les détaillants face au défi du commerce connecté : Une étude multisectorielle, Management international, 25, 1.

Bressolles G. et Viot C. (2021), L’intégration des canaux de distribution en contexte de transition digitale : une relecture par la théorie des ressources, Systèmes d'Information et Management (French Journal of Management Information Systems), (In press).

L'article est à lire sur le Journal du Net

Grégory Bressolles est Directeur du MS Marketing Digital & DATA  de KEDGE BS Paris et Responsable de la chaire Business in a Connected World.

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