Navigation arctique et assurabilité des risques : l’impact du nouveau Code Polaire OMI

Supply Chain

publication du 27/06/2018

Conçue comme une boîte à outils destinée à simplifier l’évaluation des risques et les pratiques des compagnies d’assurance, cette nouvelle réglementation remplit-elle toutes ses promesses ?

Une nouvelle réglementation de l’Organisation maritime internationale (OMI) est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 : il s’agit du Code Polaire (CP), destiné à améliorer la gestion des risques dans les zones arctique et antarctique. À caractère obligatoire, ce code a connu un très important retentissement au sein de la communauté maritime car il encadre désormais de manière uniforme la sécurité de la navigation dans les eaux polaires dont les écosystèmes sont particulièrement sensibles.  

L’assurance maritime joue un rôle clé puisqu’elle conditionne le voyage dans ces zones à risques où le contexte météorologique est capricieux et les conditions d’accès délicates pour les secours. Les compagnies d’assurance doivent donc évaluer les risques que les armateurs vont prendre au cours du voyage en vérifiant s’ils respectent scrupuleusement les différentes réglementations en vigueur : codes ISM, ISPS… et désormais CP.

L’aspect novateur du CP réside dans sa nature prophylactique. Il identifie un certain nombre de risques (la glace, le givre sur les équipements, le brouillard, l’éloignement, l’absence de cartographie à jour, etc.) et y apporte une réponse opérationnelle de prévention. Cependant, une récente étude du marché des assurances, réalisée sur les segments H&M et P&I, montre que la relation entre le CP et les compagnies d’assurance spécialisées en Arctique est relativement complexe, voire paradoxale.

La vision des compagnies d’assurance

Si toutes les compagnies d’assurance sont unanimes pour reconnaître la véritable plus-value du CP à bien des égards, et en particulier en matière de sécurité de la navigation et adaptation des navires aux dangers polaires, elles regrettent certaines lacunes, notamment pour les navires ne bénéficiant pas de la certification glace.

Au regard de son impact sur le montant de la prime d’assurance et les modalités de couverture, le CP n’apporte pas de réel changement, d’après les compagnies interrogées. Autrement dit, la manière dont elles évaluent les risques et calculent la prime n’est absolument pas influencée par le CP.

Lorsqu’on les questionne sur ce qui constitue le risque majeur, toutes citent unanimement le naufrage d’un navire de croisière. Un Titanic 2 est fortement redouté ! Il est évident qu’un naufrage en Arctique pourrait avoir de lourdes conséquences, tant sur les plans humain, qu’environnemental et économique. Tout d’abord, l’éloignement et le froid extrême compliquent les opérations de sauvetage et diminuent les chances de survie. Ensuite, une fuite de fioul serait désastreuse pour ces zones extrêmement vulnérables. Enfin, le coût d’un tel scénario catastrophe serait astronomique si l’on considère la valeur des navires et les moyens d’intervention qui seraient mobilisés sur zone.

Par ailleurs, si le CP est une bonne « boîte à outils » contribuant notamment à une procéduralisation de l’évaluation des risques, l’étude révèle que son entrée en vigueur n’a pas bouleversé les pratiques des assureurs. En réalité, les exigences de sécurité imposées par le CP étaient déjà requises par les assureurs avant son adoption. La seule nouveauté substantielle est l’obligation pour les compagnies de vérifier que les navires sont conformes aux dispositions du CP, précisées en particulier dans le Certificat pour navire polaire et le Manuel d’exploitation dans les eaux polaires.

Les futurs défis du Code Polaire

La mise en œuvre du CP se confronte à un marché spécifique aux usages propres, lequel demeure encore « confidentiel » comparativement au marché mondial de l’assurance maritime (27.5 milliards USD en 2016). En synthèse, et c’est ici que réside le paradoxe, le CP est certes censé améliorer l’appréhension des risques par les assureurs, mais il ne permet pas de définir plus aisément une prime d’assurance pour la navigation en Arctique.

Pour conclure, le principal défi du CP à court terme est la mise en place d’outils permettant de vérifier son application effective. Si les assureurs et les sociétés de classification ont un rôle déterminant à jouer, les contrôles exercés par les États côtiers s’avèreront indispensables. Le challenge est de taille car, avec la fonte des glaces, le trafic maritime va se développer progressivement. De récents rapports soulignent d’ailleurs une augmentation notable du nombre des accidents au cours de la dernière décennie.   

Fedi L., Faury O., and Gritensko D. (2018). The impact of the Polar Code on risk mitigation in Arctic Waters: a “toolbox” for underwriters? Maritime Policy and Management, 45(4), 478-494.