Les entrepreneurs ne perçoivent plus le risque comme avant

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publication du 29/04/2019

La France compte environ 3 millions de travailleurs indépendants et 41 % des créations d’entreprises aujourd’hui sont des microentreprises. Mais cette forme d’entrepreneuriat pourrait être amenée à se développer encore dans les prochaines années. D’abord, parce que l’entrepreneuriat individuel connaît un regain d’intérêt via le régime du micro-entrepreneur. Ensuite, parce qu’il offre des alternatives intéressantes pour lutter contre le chômage et organiser le retour au travail (plus de 5 % des chômeurs créent leur microentreprise pour organiser leur retour à l’emploi). Enfin, parce qu’il semble répondre à des aspirations nouvelles en matière d’activité professionnelle et que les créateurs d’entreprise individuelle sont de plus en plus jeunes.

Entrepreneuriat, risque et stress

Dans toute création d’entreprise, la prise de risque est incontournable, surtout dans les petites structures où tout, ou presque, repose sur les épaules du chef d’entreprise. C’est donc un élément de définition des entrepreneurs, au moins indépendants, qui « sont des personnes qui exercent à leur compte une activité économique, en supportant les risques de cette activité ».

Prendre des risques fait partie du quotidien des entrepreneurs, mais le rapport au risque varie et son analyse permet de saisir les tendances de l’entrepreneuriat et de l’état d’esprit des créateurs d’entreprise. En effet, selon la gestion du risque et la réponse apportée en termes de couverture, les situations psychologiques et matérielles des entrepreneurs diffèrent, le risque étant anxiogène pour l’entrepreneur et source de fragilité pour l’entreprise. Une mauvaise appréhension du risque engendre du stress pour l’entrepreneur qui perd en efficacité car le risque est facteur de stress, et le stress est facteur de sous-performance.

Issu des disciplines biologiques et médicales, le stress peut être défini comme un état qui menace l’équilibre interne de l’organisme. Il peut être considéré comme un élément d’un processus complexe, à la fois biologique, psychologique et social en réponse à une situation aversive. La prise en compte des causes du stress est donc très importante dans la démarche entrepreneuriale. Une approche globale incluant organisation, environnement et politiques de risque et de santé apparaît donc indispensable.

Devenir entrepreneur est un risque assumé. La prise de conscience de ce risque peut se traduire par la mise en place d’actions concrètes, dont l’adhésion à des contrats santé et prévoyance. Mieux couverts, les entrepreneurs sont plus sereins. Mais si, globalement, les entrepreneurs semblent sensibles à la question du stress et du risque dans leur démarche, tout n’est pas toujours bien maîtrisé…

La possibilité d’échec mieux intégrée

En décembre 2018 a été réalisé le troisième « Baromètre de la prise de risque des entrepreneurs et indépendants » par OpinionWay pour l’association d’assurés indépendants et des entrepreneurs AGIPI. Cette étude, réalisée auprès de 800 chefs d’entreprise, dirigeants et artisans commerçants à la tête de structure de 0 à 9 salariés, nous apprend beaucoup sur le rapport au risque des entrepreneurs.

Tout d’abord, la décision d’entreprendre est choisie et mûrie dans 90 % des cas. La prise de risque est donc, corollairement, mieux anticipée, notamment parce que l’entrepreneuriat répond aujourd’hui à une logique d’indépendance et de liberté affichée qui est la première raison de se lancer pour 65 % des entrepreneurs. 88 % d’entre eux estiment d’ailleurs bien gérer les risques.

Toutefois, si la prise de risque est bien mesurée sur les risques financiers (rémunération, couverture sociale, coût des charges, retraite…) elle l’est moins sur les autres (vie personnelle, santé, surcharge de travail…), puisque moins d’un entrepreneur sur 3 déclare avoir pris le temps de les mesurer. L’incapacité à travailler est pourtant la première préoccupation des entrepreneurs. En revanche, la préparation de la retraite n’est plus un risque aussi important à leurs yeux que par le passé (baisse de sept points entre le baromètre 2018 et le précédent).

Notons également que ce sont les jeunes entrepreneurs des start-up qui semblent le mieux maîtriser le risque. En effet, 63 % de ceux-ci ont déjà pris des risques payants lors de précédentes expériences, et 49 % d’entre eux déclarent avoir mené des projets qui se sont soldés par un échec. Pour les entrepreneurs plus « classiques », 55 % avaient déjà pris des risques, mais seulement 30 % d’entre eux avaient connu l’échec. Nous sommes donc désormais plus proche d’un modèle entrepreneurial nord-américain où la possibilité de l’échec fait partie de la démarche.

Tendances générationnelles et sociétales

Ce baromètre réalisé pour AGIPI est révélateur de tendances entrepreneuriales nouvelles ou renforcées. D’abord, le recul d’une certaine forme d’aversion au risque. Chez les jeunes générations, et dans les start-up en particulier, les risques sont moins facteurs d’empêchement que par le passé. Ce phénomène est non seulement générationnel – les jeunes générations n’ont pas le même rapport au travail institué – mais aussi sociétal, avec une pluralité des activités et, surtout, une conscience claire que la vie professionnelle sera une succession d’expériences différentes.

La gestion du risque est une variable de performance pour les entrepreneurs. Couverts et donc rassurés, ces derniers évitent une trop forte dose de stress et peuvent se concentrer à leur activité et le développement ou la pérennité de leur entreprise. Mais, dans une économie où l’entrepreneuriat et le travail indépendant semblent être appelés à se développer au détriment du salariat protecteur, il faut espérer que les assureurs vont inventer de nouvelles réponses de protection de ces risques entrepreneuriaux personnels et professionnels. C’est un enjeu indéniable pour le succès de la dynamique entrepreneuriale.

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