Le rail et le fleuve, alliés de la décarbonation du transport ?

Développement durable

publication du 01/04/2022

L'Europe a lancé en 2020 la course au zéro carbone. Le  «  green  deal  » vise à réduire à zéro les émissions de carbone européennes en 2050.  

Depuis, plus de 110 pays se sont ralliés à cet objectif. Or, environ le quart des émissions mondiales sont dues au transport : 60% pour le transport de passagers versus 40% pour le transport  de marchandises.

Les modes de transport sont nombreux et leur utilisation dépend de nombreux paramètres dont la distance, les réglementations, etc.

Quelle place tiennent le rail et le fleuve dans cette course à  la décarbonation en Europe ? Quels défis les acteurs de la supply chain  mais aussi les pouvoirs publics doivent-ils relever ?

Le transport de marchandises est mondial et les routes dépendent de la localisation des fournisseurs et des clients.

Le transport par voies maritimes représente 90% des échanges mais seulement 3% des émissions de gaz à effet de serre.

Pour autant, cela n'est pas négligeable et des recherches sont menées pour réduire ces émissions (Cariou et Lindstad, 2021).

Elles concernent l'impact de la réduction de la vitesse des navires  ou par exemple  l'utilisation de la voile.

Mais à  l'échelle d'un continent,  les modes de transport utilisés sont différents. Avant la pandémie  en 2018, le transport de marchandises représentait 2 000 milliards de tonnes/kilomètres en Europe.

  • 76% sont transportées par la route,
  • 18% par le rail,
  • et 6% par le fleuve.

La France possède le plus long réseau de voies navigables tandis que l'Allemagne a le réseau  ferroviaire le plus  étendu. L'Europe dispose au total d'environ 200 000km de voies ferrées.

La  commission  européenne a débloqué 26 milliards d'euros pour développer un réseau trans européen de transports multi modaux  à horizon 2030.

En se basant sur les neuf corridors européens ferroviaires,  elle  veut  renforcer les liaisons en évitant les goulets d'étranglement ou les problèmes d'interopérabilité entre pays.

Les neuf corridors sont Mer du Nord-Méditerranée Atlantique,  Méditerranée,  Rhin-Danube,  Rhin Alpes, Oriental-Méditerranée  orientale, Mer du Nord-Baltique, Baltique-Adriatique, Scandinave­ Méditerranéen.

A terme,  le projet  vise 94 ports européens   reliés   aux   réseaux   ferroviaires    et routiers,  38 aéroports reliés aux grandes villes par liaisons ferroviaires,15 000km de lignes ferroviaires   aménagées pour la grande vitesse et 35 projets transfrontaliers visant à réduire les goulets d'étranglement.

Pour compléter cette ambition de réseau trans européen, le shift project propose sept solutions au niveau de la France et transposables au niveau européen.  

Parmi ces sept solutions, on peut retenir l'électrification des camions, le remplissage optimisé des véhicules, une  mutualisation des flux de marchandises en zone urbaine et le report du routier longue distance vers le rail et le fleuve.

Ces propositions doivent mener à une demande globale diminuée de 25%, un transport fluvial multiplié par trois  et un transport ferroviaire par deux.

Dans la course à  la neutralité carbone, le rail et le fleuve s'avèrent donc être de précieux alliés. Ils diminuent notamment en moyenne d'un facteur 4 les émissions versus le camion.

Ils ont en effet des capacités de charge très importantes par rapport à ce dernier. Un convoi fluvial équivaut à quatre  trains complets et 220 camions.

De plus, le camion à partir d'une certaine dimension est contre-productif en matière d'émissions Uaegler et  Gondran, 2014).  

Les transports par rail ou fleuve émettent jusqu'à trois ou quatre fois moins d'externalités négatives au global. Ces externalités sont de plusieurs ordres : accidents,  pollution, bruit, congestion, etc.

Mais  de nombreux défis restent à relever pour une  utilisation de  ces transports à plus  grande échelle. Le premier est la rupture de charge.

Les transports  ferroviaires et fluviaux doivent être combinés avec un autre mode de transport car ils ne peuvent  pas assurer une livraison du point  de départ au point d'arrivée.

Le premier  et le dernier kilomètre sont  générateurs de surcoûts  et  d'un allongement des délais car ils occasionnent des ruptures de charge.

Cependant,  les autoroutes ferroviaires, par exemple, permettent de limiter les ruptures de charge en positionnant directement le camion sur le rail.

D'autres  défis existent.  Les entrepôts multimodaux avec un accès au rail ou au fleuve ne sont pas nombreux (Huet et Michaux, 2020).

L'interopérabilité entre pays est complexe. Il existe par exemple plus de 20 systèmes de signalisation ; dans certains pays, parler la langue est une obligation; l'écartement  des rails n'est pas standardisé.

Pour  le fluvial,  le niveau  des  eaux lors des crues peut aussi entraîner une fermeture totale  des flux de transport à comparer  avec les délais liés à la congestion routière.

Sources

Baromètre de perception des chargeurs sur le transport ferroviaire et combiné (2020) Cariou, P., & Lindstad, E (2021). Container Shipping Decarbonization Pathways. In New Maritime Business (pp. 75-93). Springer, Cham.

Huet, j.-M., & Micheaux, J-M. (2020). Les défis de la supply chain : Logistique et achat, le renouveau?

Jaegler, A.,&Gondran,N. (2014). Estimating the carbon footprint of a road freight firm, perspectives to mitigate these emissions. International journal of Business Performance and  Supply  Chain  Modelling,
6(3-4), 239-254.

European Commission-Mobility and Transport

European Commission-Climate action

The Shift Project

Cet article a été publié dans d'Africa SC Magazine, n°2