La hausse des taux directeurs engagée en 2022 par les banques centrales était à la fois souhaitée et redoutée par la communauté financière, comme un mal nécessaire.
Aux USA, la Fed a procédé à quatre hausses. La BCE à deux. Ce relèvement à 1,25 % était déjà intégré depuis quelques semaines. La Fed comme la BCE nous annoncent une nouvelle hausse significative dès leurs prochains meetings.
Utilisée lors de la crise financière de 2007, la Zero Interest Rate Policy (Zirp) devait être transitoire. Elle a artificiellement maintenu le prix des actifs financiers et alimenté une bulle sur le marché immobilier.
La succession des crises internationales a maintes fois retardé un retour à la normale. Aujourd'hui, une inflation élevée, généralisée et durable oblige à réagir. Ces augmentations s'accompagnent d'effets résolument favorables.
Au premier rang, il y a bien sûr le contrôle de l'inflation, pour autant que l'arme des taux soit efficace, compte tenu des sources de l'inflation actuelle. Ensuite, la prolongation de la Zirp faisait peser un risque sur les comptes des banques, des assurances et de tous les fonds d'investissement.
Le rendement des portefeuilles d'obligations diminue à mesure que la maturité des titres anciens est atteinte, tandis qu'ils sont remplacés par de nouveaux titres moins rémunérateurs. Plus cette situation se prolonge, plus la remontée des taux déprime la valeur des portefeuilles existants.
Les institutions financières ont pu masquer cette fragilité en revendant des titres anciens au coupon plus élevé avec une plus-value. Cet effet d'aubaine a disparu. Une hausse des taux réalimentera à terme leur vrai métier et évitera la faillite de leur modèle.
Du côté de l'économie réelle, la hausse permettra de résorber les bulles. Pouvoir se financer sur vingt ans à un taux réel nul a élargi le périmètre des emprunteurs et la demande de logements. Un primo-accédant supportera la hausse des taux mais devrait bénéficier de la baisse des prix. Toutes les entreprises ont aussi profité de ce coût de financement bonifié.
Celles, rentables, pour lesquelles cette occasion a accru leur profitabilité, mais aussi celles, fragiles, voire condamnées, auxquelles des taux zéro ont procuré un sursis trompeur. La proportion galopante de ces entreprises zombies est inquiétante. D'un autre côté, la hausse des taux va corriger les excès de valorisation des entreprises de la tech, sur les marchés comme en private equity.
Mais il n'est pas certain que la hausse de taux directeurs se répercute pleinement sur les taux grand public. Depuis quinze ans, le coût d'opportunité de la trésorerie était quasi-nul. Une encaisse « oisive » de plusieurs milliers de milliards de dollars s'est accumulée au niveau mondial. Cette trésorerie devra s'investir dans des actifs rentables pour protéger son pouvoir d'achat.
Cet afflux des capitaux va tempérer la hausse des taux du fait de leur concurrence. Le marché des cryptomonnaies devrait aussi en faire les frais. Enfin, nous ne pouvons ignorer les conséquences des hausses de taux pratiquées aux USA.
Avec un différentiel de rémunération significatif, les investisseurs vont arbitrer en faveur du dollar, privant l'Europe de capitaux indispensables aux équilibres financiers des entreprises et des particuliers, mais aussi des comptes publics. Une forte demande en dollars accentuerait la dégradation du taux de change euro- dollar et contribuerait à un effet de second tour de l'inflation.
Pour conclure, il est sain de revenir à une vraie sélection des investissements après quinze années de soutien sous perfusion. Une juste rémunération en termes de rentabilité-risque n'était plus respectée. Une allocation optimale des ressources ne peut se faire correctement en univers gratuit, surtout lorsqu'on prend conscience de la rareté des ressources de toutes natures, financières et réelles.