Business schools : dans la tourmente du Covid, créer de la valeur pour les étudiants

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publication du 27/05/2020

Ces vingt dernières années, le développement à l’international a été l’un des moteurs du succès des business schools françaises. Cette voie continue certes à offrir de belles perspectives, car les besoins en formation non satisfaits par une offre locale en Afrique, en Amérique Latine ou en Asie restent importants. Et si l’éducation en ligne s’est accélérée ces dernières semaines, les turbulences actuelles liées à la crise du Covid-19 imposent de revoir le modèle des établissements.

Différentes écoles ont annoncé la suspension des échanges internationaux pour la prochaine rentrée. De même, les universités partenaires stoppent ou retardent l’envoi de leurs propres étudiants sur les campus français. Pourtant ces séjours à l’étranger constituent un point central dans les parcours quand il s’agit de découvrir d’autres cultures, d’autres modes de management et des questionnements différents.

Certains Executive MBA américains, comme celui de Fuqua, etc., ou européens, à HEC ou à Bocconi mettent en avant l’organisation sur trois ou quatre continents de la formation comme clé de la valeur ajoutée, tandis que des programmes de bachelor ou de master prévoient un ou plusieurs séjours longs à l’étranger.

La crise épidémique questionne la viabilité de ce modèle non seulement par la fermeture actuelle des frontières mais aussi les contraintes qui pèseront sur les déplacements à venir, jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible : hausse des coûts de transport, mise en quarantaine, difficulté d’obtention des visas, etc.

International et digital

La difficulté des échanges internationaux exacerbe la concurrence à court terme entre les écoles françaises sur le marché national. Elle accélère aussi le développement des formations en ligne. Cependant sur ce créneau, les établissements classiques sont très fortement concurrencés par les EdTechs qui proposent des solutions intégrées ou des plates-formes d’apprentissage.

Les site webs professionnels tels que Microsoft ou LinkedIn sont aussi actifs pour offrir un apprentissage spécifique et ainsi délivrer des certificats via LinkedIn Learning et Microsoft/learning. Si les Ed-Tech peuvent fournir des solutions techniques pour améliorer les performances des acteurs existants, les plates-formes disposent en prime d’un accès direct aux apprenants et bénéficient d’un marché à double face auprès des apprenants, des entreprises et éventuellement des écoles et des universités.

La crise du Covid-19 accentue les tensions qui ne sont pas nouvelles. Dès 2012, Gary Hamel remarque qu’au sein de leurs conférences « les universitaires discutent de la nécessité du changement, identifient les signaux d’une rupture potentielle et suggèrent qu’il est nécessaire de repenser en profondeur la nature de l’enseignement supérieur ; et quand ils sont de retour dans leurs bureaux, ils comptent leurs papiers et leurs citations, enseignent et gèrent leurs programmes. Et qu’enseignent-ils ? Le cas de Kodak dans lequel le management n’a pas su prendre le virage du digital ».

Depuis 2012, les MOOC se sont développés ainsi que les cours en ligne. Et la disruption attendue n’a pas eu lieu. Car, au-delà du digital, il est nécessaire de réinterroger les mécanismes de création de valeur dans l’enseignement supérieur.

Valoriser l’expérience

Si la connaissance est une commodité, la mise en situation de cette connaissance est un enjeu clé qui requiert une présence physique et un accompagnement individualisé. Les business schools mondiales, via les associations comme AACSB ou EFMD sont toutes engagées dans cette démarche en orientant leurs activités dans le triptyque « Impact, Innovation et Engagement ». L’idée clé derrière ce triptyque est que les écoles doivent intégrer une pédagogie réflexive un temps de stage ou d’alternance pertinent dans les cursus pour créer de la valeur.

  • L’innovation fait référence directement aux modalités pédagogiques pour les étudiants, mais aussi les employeurs et l’ensemble des communautés autour des business schools. 
  • L’engagement décrit les interactions entre les professeurs, les étudiants et les mondes professionnels. 
  • L’impact dépasse la production traditionnelle de connaissances en mettant l’accent sur comment les programmes et les étudiants font la différence dans le monde des affaires.

Cette démarche amorce la rupture avec le paradigme précédent. Que ce soit en pédagogie ou en recherche, l’attention se porte sur la mise en action de la connaissance. Si l’articulation de concept est relativement aisée, la mise en situation de ces concepts pour l’action est beaucoup plus complexe.

C’est à cette démarche que nous invitent les associations de business schools AACSB et EFMD. Les compétences acquises par nos étudiants sont le produit de leurs expériences. Ils sont suivis par les professeurs qui leur fournissent une solide structure intellectuelle pluridisciplinaires et un accompagnement pour la mise en perspective de ce qu’ils ont vécu. Cela suppose des approches pluridisciplinaires pour bien comprendre et diagnostiquer les problèmes ainsi qu’une belle compétence technique pour proposer les solutions adaptées.

Au-delà de la crise actuelle du Covid-19, c’est la nature même de la connaissance qui est au centre de la discussion. Le modèle de production et diffusion des connaissances s’efface peu à peu pour laisser la place à l’expérimentation de la connaissance. Au-delà de la transmission des connaissances, le passage de la théorie à la pratique, comme dans une recette de cuisine, reste l’enjeu principal et suppose de se pencher sur l’accompagnement nécessaire.

La crise du Covid-19 marque un point d’inflexion. La montée rapide en compétence via le digital accélère la marchandisation de la connaissance et met la mise en situation et l’expérience sous le feu des projecteurs. Reste à imaginer comment les vivre, que ce soit via l’alternance, l’apprentissage, les jeux sérieux, les stages ou la réalité virtuelle, dans cette période charnière où l’épidémie reste bien présente.

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