La France a décidé de sauver ses restaurants touchés de plein fouet par la pandémie de COVID-19 ; et ce au moyen d’aides publiques sans précédent.
Les montants évoqués pour le secteur avoisinent les 18 milliards d’euros, soit à peu près la moitié du budget de la défense (35,9 milliards) et un peu moins que le double du budget de la culture et de la communication (10,8 milliards).
Récemment le Premier Ministre, Jean Castex, a annoncé la possible réouverture des bars et des restaurants « a minima mi-février » 2021.
Mais jusqu’à quand les restaurateurs vont-ils bien pouvoir tenir avant de mettre la clé sous le paillasson ?
Sachant qu’un tiers d’entre eux étaient déjà en situation de grande fragilité financière en raison des mouvements sociaux de 2018/2019 (gilets jaunes et réforme des retraites).
Selon Olivier Gergaud, aujourd’hui les aides doivent être personnalisées et surtout orientées vers la digitalisation de ces établissements afin de freiner cette crise économique et mieux rebondir lorsqu’arriveront des jours meilleurs.
L’expert propose un plan de digitalisation en 10 propositions qui renforcerait le plan de numérisation des commerçants proposé par le Gouvernement français en novembre 2020.
Le point sur les fermetures
A date, le nombre de fermetures d’établissements n’apparait pas anormalement élevé par rapport à l’an dernier (source: Infogreffe), même si la dynamique depuis le mois d’octobre est clairement à la hausse et laisse présager des lendemains plus sombres.
Les mesures prises par le gouvernement, couplées au soutien bancaire, ont donc permis de maintenir à flot un secteur qui occupe près de 650 000 salariés (en équivalent temps-plein) dans le pays.
La nécessité d’un accompagnement individualisé
Le gouvernement qui s’est engagé dans la voie du soutien doit donc poursuivre son effort et pérenniser la situation sous peine de perdre son investissement initial. Pour y parvenir, il devra mieux cibler et envisager un accompagnement individualisé pour tenir compte de situations très disparates :
- le montant des charges fixes (loyers et charges bancaires) qui diffère grandement d’un établissement à un autre,
- la période estivale qui a permis à certains de faire le plein contrairement à d’autres plus malheureux (en région parisienne notamment)
- et un niveau de digitalisation encore trop insuffisant et très inégal.
Le plan de digitalisation en 10 propositions
Le plan d’aide à la numérisation du gouvernement concerne l’ensemble des commerçants, y compris les restaurateurs, mais ne semble pas à date avoir tenu toutes ses promesses dans ce dernier secteur.
Le plan présent, plus spécifique, vise à lever dans les plus brefs délais les frictions engendrées par les mesures de distanciation sociale et la fermeture prolongée des établissements.
Ce plan, en 10 propositions concrètes, part du constat que le marché est insuffisamment digitalisé, côté offre (nombre de restaurants présents en ligne trop faible, coût trop élevé, frein technique) mais aussi côté demande (nombre de consommateurs recourant aux outils numériques insuffisant).
Son objectif est de permettre à l’information de mieux circuler entre les offreurs et les demandeurs et, partant de ce constat, de réorganiser la chaine d’approvisionnement en aval du secteur.
8 propositions destinées à stimuler la digitalisation des restaurants (offre) :
- Aide financière pour la mise en place de l’activité de vente à emporter et de livraison à domicile
- Accompagnement technique pour la mise en place de l’outil numérique via les principales plateformes existantes et/ou en favorisant la montée en puissance d’initiatives originales telles que restaurantdrive.fr, restoducoin.com, Les Chambres de Commerce et d’Industrie pourraient jouer un rôle décisif en étroite collaboration avec les principaux syndicats de l’hôtellerie et de la restauration, des collectifs tels que le Collège Culinaire de France
- Incitation à l’usage d’emballages alimentaires eco-responsables pour minimiser les conséquences non négligeables de la vente à emporter sur l’environnement
- Négociation avec les plateformes existantes d’une diminution temporaire de leurs marges au titre de la participation au plan
- Emploi de la main d’œuvre, actuellement au chômage partiel, pour assurer la livraison de repas à domicile (sur base du volontariat)
- Incitation à la création, au niveau de chaque ville/commune, de coopératives de livraison de repas à domicile sur le modèle mis en place par les coursiers bordelais
- Conditionnement de l’aide à l’analyse du bilan et des comptes de résultats de l’année fiscale écoulée. Cette aide financière devrait être calibrée de sorte à couvrir les pertes éventuelles (référence : seuil de rentabilité)
- Evaluation du risque en temps de pandémie et négociation sur cette base de tarifs adaptés à la réalité du risque avec les compagnies d’assurance.
2 propositions destinées à inciter les consommateurs à digitaliser leurs pratiques :
- Négociation avec les plateformes pour rendre possible/faciliter le paiement des commandes à partir des tickets restaurants. Négociation avec ces dernières des tarifs d’utilisation du service, aujourd’hui jugés élevés par bon nombre de restaurateurs. Audit des sommes actuellement « dormantes » sur les comptes des cartes type Apetiz ou Ticket restaurant, etc. Il est important de permettre aux français de dépenser ces sommes dans les plus brefs délais
- Allocation consommateurs, dont le montant serait à négocier avec les parties prenantes et pas uniquement les pouvoirs publics, afin de déclencher la première commande en ligne.
Ce plan vise à inciter les consommateurs à financer le plus largement possible, au moyen d’un service de vente à emporter, couplé avec un service de livraison à domicile moins concentré, le secteur de la restauration et de pérenniser la situation financière du plus grand nombre possible d’établissements.
Il est urgent que le gouvernement établisse une structure d’accompagnement (type mission) du secteur afin de mettre en place tout ou partie de ces propositions.