Dès son entrée en fonction le 20 janvier 2025, Donald Trump a propulsé l’illibéralisme au sommet de la première puissance mondiale, imposant un virage protectionniste brutal. Droits de douane sur l’acier entre autres, attaques répétées contre l’OMC, renégociations musclées d’accords commerciaux et menaces tarifaires constantes contre ses principaux voisins et l’Europe.
Déjà vu : Une approche protectionniste aux lourdes conséquences pour la France et l’Europe.
La France, en tant que moteur économique de l’UE, a particulièrement ressenti ces tensions sous le Mandat de Trump en 2018. Plusieurs secteurs ont été directement affectés. Un premier exemple est le secteur aéronautique, particulièrement Airbus, qui a été visé par des sanctions américaines, entraînant des hausses de coûts pour les compagnies aériennes européennes. Un second exemple est les secteurs du luxe et de l’agroalimentaire français, comme le vin, le fromage et les spiritueux qui ont été frappés par des droits de douane supplémentaires. En 2019, Washington a appliqué une taxe de 25 % sur les vins français, entraînant une baisse de 14 % des exportations vers les États-Unis. Le secteur de l’automobile n’a pas échappé aux foudres de Trump. Nous pouvons citer les taxes dures sur l’acier imposées par l’administration Trump dès juin 2019 sur les pays de l’Union Européenne. Ces taxes ont conduit à une réduction des importations des voitures européennes (notamment allemandes et françaises dans une moindre mesure). Bien que ces taxes aient initialement permis une reprise du secteur de l’acier local, les répercussions ne se sont pas fait attendre avec un cours mondial de l’acier délétère pour toutes les parties. Cette situation peut être qualifiable de guerre sans vainqueur.
L’élection de Biden a permis l’annulation de ces taxes mais n’a pas permis une récupération de l’importation européenne de l’acier (-40% par rapport au niveau avant taxes Trump)
Un effet boomerang pour les États-Unis ?
Aujourd’hui comme lors de sa précédente mandature, Trump a pour objectif de réduire sa dépendance face aux autres puissances et plus particulièrement la Chine. Cela dit, comme précédemment, les Etats Unis de Trump peuvent se heurter aux mêmes conséquences que pour la situation de l’acier. La différence est le déplacement du terrain de bataille de l’industrie métallurgique vers l’industrie technologique et notamment les innovations liées à l’IA.
Pareillement qu’hier, les conséquences d’un protectionnisme américain et de la subséquente guerre avec la Chine risque de produire des effets récessifs sur la croissance mondiale.
La littérature économique est friande d’exemples où l’augmentation de taxes résulte inévitablement en une récession de l’activité économique. Si aujourd’hui, l’UE a appris les leçons de l’histoire en diversifiant ses échanges (liens plus solides avec notamment le Canada et certains pays asiatiques), il n’en demeure pas moins que son interdépendance avec les USA est toujours importante. En témoignent, les importations françaises en provenance des États-Unis se sont élevées à environ 42 milliards de dollars (5,18% du commerce), tandis que les exportations françaises vers les États-Unis ont atteint 50 milliards de dollars (8,22% du commerce (Observatory of Economic Complexity, 2024). Enfin, il est intéressant de noter que malgré les mesures tarifaires entreprises sous Trump, le déficit commercial américain a atteint 779,8 milliards de dollars en 2023.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Face à une volonté protectionniste affichée de l’administration Trump, les acteurs du commerce mondiale sont dans une incertitude bien marquée. Un premier signe est la guerre commerciale et technologique avec la Chine qui semble relancée sur le nouveau terrain de l’IA. En effet, l’interdiction temporaire de TikTok a sonné le premier glas avant l’annonce du projet Stargate avec sa promesse d’investissement à 500 milliards de dollars pour dominer les terrains de l’IA et du spatial. L’actualité chinoise a sonné l’heure de la réponse avec le lancement d’une nouvelle génération d’outils IA tels que DeepSeek ou encore Qwen d’Alibaba qui atteint une meilleure performance que GPT 4-0 en utilisant des processeurs Nvidia moins puissants et libres d’accès. Cela montre que la concurrence USA-Chine est bien rude malgré les embargos commerciaux des uns comme les autres (Processeurs puissants Nvidia pour les USA et les terres rares pour la Chine par exemple).
Dans ce contexte, l’Europe doit faire plus que jamais preuve d’unité et de solidarité en termes d’investissement pour réduire drastiquement sa dépendance énergétique (le cas Allemand avec le pétrole américain), sa dépendance numérique ( réseaux sociaux soient d’origine chinoise -TikTok- ou américaine-Facebook,X-), sa dépendance industrielle (la Chine détient toujours le titre d’usine du monde) et sa dépendance financière avec l’accumulation de dettes financières détenues en grande partie par les USA et la Chine.
Plus spécifiquement, il s’agit pour la France de renouer avec sa longue tradition d’excellence diplomatique en misant sur des marchés à haut potentiel de croissance (les pays du Maghreb, les pays d’Afrique subsahariennes). La récente dégradation des liens avec ses pays a largement profité à la Chine qui est désormais bien implantée sur le continent Africain. Il s’agit aussi pour la France de retrouver une rationalité budgétaire et une stabilité politique suffisante pour mieux tenir son rôle de second moteur dans le couple Franco-Allemand.
En dernier lieu, il semble que l’arrivée de Trump sonne le retour d’un monde aux allures bi polaires avec une Amérique conquérante et bien mobilisée contre le bloc chinois.
Il est peu de conclure que le multilatéralisme est en voie de disparition.