LE POINT DE VUE DE L’EXPERT KEDGE– 09.04.2020
Crise du covid-19 et célébrations religieuses : Quelques pistes pour célébrer Pâques, Pessah et le ramadan pendant le confinement. Par Diego Rinallo, Professeur associé en marketing et consumer culture à KEDGE.
Les rituels et les événements sacrés présentent un risque de transmission du Covid-19. A ce titre, le Président de la République française, Emmanuel Macron, a prévenu les représentants des cultes, réunis par visio-conférence, que les fêtes d'avril (Pâques juive et chrétienne, et début du Ramadan) devront se faire "sans rassemblement". Diego Rinallo souligne la similarité des stratégies digitales adoptées par les différents cultes afin de faire face à ce défi sanitaire et religieux.
À l’approche des fêtes des trois principales communautés religieuses de France, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la façon dont ils pourront respecter les célébrations. Les recherches portant sur les rituels de consommation,tant sacrés que profanes, offrent quelques pistes pour mieux comprendre comment ces festivités pourront être influencées par le confinement.
Une expérience de communauté mise à mal
La religion est une expérience de communauté. Le décret En temps de Covid-19 du 25 mars de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a prévu que dans tout pays touché par le Covid-19, les rites de la Semaine sainte seront célébrés sans la présence du peuple. Il faudra donc éviter la célébration commune de la même messe par plusieurs prêtres, l’échange de paix, le lavement des pieds du Jeudi saint, et l’adoration de la Croix par le baiser du Vendredi saint.
De son côté, le Président du Conseil français du Culte musulman (CFCM) a fait le point sur les activités qui seront impactées par la fermeture des mosquées : les fidèles devront accomplir leurs prières journalières chez eux, tout comme les prières quotidiennes du soir qui sont recommandées et très méritoires mais non obligatoires.
Garder le lien grâce aux médias et aux réseaux sociaux
Dans l’impossibilité de célébrer traditionnellement leurs rituels, les autorités religieuses ont fait preuve de créativité dans l’utilisation des médias traditionnels et des nouvelles technologies de communication pour garder le lien entre célébrants et communautés, et entre les fidèles. Par exemple :
- Les associations musulmanes transmettent aux fidèles, à l’heure de la prière du vendredi des interventions et des messages des imams.
- Les rabbins du Consistoire de Paris se sont mobilisés pour offrir aux fidèles, en impossibilité de fréquenter
- Les synagogues, des chiours (cours) chaque jour du confinement.
- Les églises protestantes profitent des réseaux sociaux (des groupes WhatsApp et des pages Facebook paroissiales), des mails informatifs sur les émissions protestantes disponibles, des visites pastorales par le biais du téléphone, et même de chaînes téléphoniques destinées aux personnes isolées.
- Vendredi 27 mars, le Pape François a présidé un moment extraordinaire de prière en temps d’épidémie, avec lequel il a donné la bénédiction « Urbi et Orbi » (à la ville de Rome et au monde) et a accordé l’indulgence plénière aux malades, au personnel de santé, aux familles des malades et à tous ceux qui s’occupent de ces derniers en demandant simplement, dans un contexte où il n’est pas possible de participe à la messe ou de se confesser, de s’unir spirituellement à la célébration par le biais des médias.
Les impacts sur les célébrations des familles
Pâques, Pessah et le ramadan comportent des rituels de consommation qui sont aussi remis en question par le confinement.
Une première conséquence de la pandémie sera que les familles ne pourront pas se réunir. Dès le début du confinement, des applications comme Houseparty, Skype, WhatsApp et Zoom ont permis d’organiser des fêtes entre amis, des pauses cafés et des apéros virtuels. Les familles sauront sans doute en profiter pour garder le lien avec leurs proches pendent les festivités.
D’autres difficultés seront liées à la préparation de plats. Avec la réduction obligée des déplacements et la situation de surcharge des services d’e-commerce, il ne sera pas possible de se procurer tous les ingrédients, les décorations, et les objets rituels nécessaires. Les éleveurs estiment que le confinement causera une chute du marché des agneaux de Pâques. Les chocolatiers, pour lesquels Pâques représente une partie importante du chiffre d’affaires annuel, font également des prévisions catastrophiques. La situation la plus compliquée sera probablement vécue par les consommateurs juifs, à l’occasion du Séder, repas rituel célébré en famille et qui requiert un plateau d’aliments spécifiques symbolisant l’Exode hors d’Égypte du peuple juif. Vue l’extraordinaireté de la situation, le Grand Rabbin de Paris a spécifié que s’il y a des difficultés à se procurer l’une ou l’autre des denrées prescrites c’est sans gravité; les seules exceptions à cet égard sont lamatsa (pain azyme) et le maror (herbes amères), qui restent obligatoires.
Pour les juifs orthodoxes, l’utilisation des nouvelles technologies est interdite pendant les fêtes. Un groupe de rabbins orthodoxes séfarades a exceptionnellement autorisé l’utilisation de l’application Zoom ou d’autres moyens de visio-conférence, sous certaines conditions.
Les consommateurs musulmans, en plus de devoir renoncer aux retrouvailles collectives, pourront avoir des difficultés à vivre l’esprit de générosité et de partage typique du ramadan. Pour ce faire, des systèmes de distributions alternatifs respectueux des consignes sanitaires et des dispositifs de collecte de fonds en ligne seront probablement mis en place, afin de venir en aide aux personnes dans le besoin.
Les médias et les entreprises à l’aide des consommateurs
Face aux difficultés, les consommateurs devront donc faire preuve de grande créativité et d’organisation, en simplifiant et adaptant leurs rituels de consommation. Il se peut aussi qu’en raison de la pandémie, de la souffrance généralisée et du deuil, l’envie de faire la fête soit affaiblie cette année.
Les médias traditionnels et les influenceurs des réseaux sociaux se sont déjà mobilisés pour soutenir ceux et celles qui, malgré tout, désirent encore célébrer.
Les difficultés logistiques sont plus difficiles à surmonter, particulièrement pour les fermiers, les éleveurs, les producteurs artisanaux et les petits commerces. Au moment où certains remettent en question la globalisation des filières productives, il existe pourtant des opportunités pour établir des circuits courts qu’on pourrait promouvoir en tant qu’actes d’achats éthiques et responsables envers les producteurs locaux. Cela à condition d’utiliser efficacement les réseaux sociaux pour la promotion et de créer des solutions partagées en partenariat avec d’autres producteurs pour la livraison à domicile.
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A propos de Diego Rinallo
Diego Rinallo est professeur associé en marketing et consumer culture à KEDGE Business School. Avant, il a été professeur assistant en marketing à l’Université Bocconi de Milan, qui lui a conféré son doctorat en Business Administration. Sa recherche explore le marketing et la consommation du point de vue culturel, avec un focus sur le genre, la mode, la publicité, la spiritualité et la religion. Il est un expert de niveau mondial sur l’industrie des foires et salons, et sa recherche pose l’accent sur le rôle joué par ces événements de marketing collectif dans l’économie globale de la connaissance. Son travail a été publié dans des revue scientifiques top-ranking comme Journal of Marketing et Journal of Business Ethics, and maisons d’édition prestigieuses comme Oxford University Press. Exemples de ses travaux sont disponible sur https://kedgebs.academia.edu/DiegoRinallo
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